Pauline

pauline couvertureMa visite récente au château de Monte-Cristo a suscité chez moi un regain d’intérêt pour l’œuvre complète d’Alexandre Dumas. J’ai ainsi décidé d’explorer davantage son univers littéraire en me plongeant de temps à autre dans l’un de ses meilleurs romans. J’ai de ce fait jeté cette semaine mon dévolu sur Pauline, une œuvre de jeunesse publiée en 1838 qui trônait depuis plusieurs années sur mes étagères. A l’occasion d’Halloween il y a déjà deux ans, j’avais découvert, enchantée, Le château d’Eppstein, un autre roman noir dantesque et captivant dont j’avais fait une critique enthousiaste et un tantinet dithyrambique (ma chronique ici)… Une fois encore, le style ébouriffant de Dumas m’a séduite. Cette nouvelle lecture savoureuse m’a en effet permis de renouer avec les classiques français qui se faisaient de plus en plus rares sur mon blog, préférant privilégier la littérature anglo-saxonne que j’affectionne particulièrement.

L’ensemble du roman est narré à travers trois récits enchâssés : celui de prime abord d’Alexandre Dumas, puis celui d’Alfred de Nerval, enfin, celui de Pauline, qui nous contera elle-même ses infortunes. Difficile de vous résumer l’intrigue de ce roman sans trop en dévoiler. Un résumé détaillé de l’histoire risquerait de vous gâcher tout le plaisir de cette lecture enfiévrée. En effet, le livre fourmille de rebondissements truculents.

Je ne vous donnerai donc que son pitch :

Alfred de Nerval, un jeune dandy sans ambition, qui voyage au gré de ses envies pour tromper son ennui, découvre par le plus grand des hasards au cours d’une promenade nocturne dans la campagne normande, Pauline, son amour d’antan, séquestrée vivante dans un caveau. Comment sa tendre aimée a-t-elle atterri dans cette prison effroyable ?

De là, découle le récit alambiqué des mésaventures de Pauline, qui fut pour son plus grand malheur séduite par la beauté diabolique du comte Horace de Beuzeval.  Ce gentilhomme pourtant auréolé de scandale n’est autre qu’un bandit de grand chemin, un coureur de dot dépravé, et un assassin impitoyable… Alfred de Nerval tentera de gagner le cœur de cette triste martyre, au risque de brûler ses propres ailes…

Quelques jours seulement m’auront suffi pour venir à bout de cette œuvre romanesque passionnante. Alexandre Dumas trempe sa plume dans l’encre sombre du roman gothique, un genre populaire, dont les lecteurs britanniques du XIXème siècle raffolaient. Ce genre fut initialement amorcé cent ans plus tôt par des écrivains pour la plupart anglais tels qu’Horace Walpole ou Ann Radcliff. Leurs romans ont, sans conteste, ouvert la voie aux sœurs Brontë tout comme à Daphne du Maurier. La parenté s’annonce d’emblée dans ce roman : à l’instar de Jane Eyre, personnage éponyme féminin du roman de Charlotte Brontë, ou même de l’héroïne insipide de Rebecca, Pauline est une jeune femme frêle et sans défense, tombée sous la coupe d’un homme plus âgé qu’elle. Bien entendu, comme Rochester, ce dernier vit aussi reclus dans un château ancestral, situé ici sur une terre aride balayée par les vents marins. En l’occurrence, le décor sinistre de cette intrigue compliquée est planté au cœur de la Basse-Normandie, en bord de mer, non loin de la ville de Caen. Etant moi-même installée dans un petit village normand, ce détail scénique m’a bien fait sourire.

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Cependant, le Gothique qui n’apparaît finalement que dans les premiers chapitres, n’est pas l’unique influence d’Alexandre Dumas. Le drame romantique est davantage présent dans ce roman. De surcroît, cette œuvre est marquée par l’incapacité à vivre de ses personnages toujours enlisés dans une profonde mélancolie. Par ailleurs, Alfred de Nerval, qui rappelle étrangement le héros neurasthénique des Souffrances de Werther, tout comme Pauline, une figure virginale et souffreteuse, incarnent ainsi à merveille le « Mal du siècle ». Jeune rentier follement épris, Nerval ne voit pas qu’il est déjà trop tard. Pauline ne prend plus goût à la vie et s’abîme un peu plus chaque jour dans une tristesse catatonique. Se désolant de la voir ainsi dépérir, il se donnera pour mission de rétablir sa santé et l’emmènera avec lui parcourir l’Europe. A sa disparition, lui-même s’enfermera dans un puits de solitude sans fond.

J’ai été déstabilisée par la construction narrative circulaire du roman. Le lecteur apprenant dès les toutes premières pages la mort de Pauline, il n’ y a point de surprise, car Dumas préfère se focaliser davantage sur les péripéties. Néanmoins, malgré cette structure qui peut paraître déroutante pour un lecteur moderne, les pages ont défilé à un rythme effréné. Je dois l’admettre, l’ennui ne m’a pas gagné une seule fois ! Lisez-le !!! C’est une petite pépite littéraire.

En outre, ce livre introduit déjà les ingrédients essentiels de la recette du succès de Dumas, repris avec plus d’habileté dans Le comte de Monte-Cristo, l’œuvre qui le portera véritablement au firmament de la gloire : l’usurpation d’identité, la substitution de cadavres, les portes qui se dérobent dans une bibliothèque dévoilant une cachette secrète, des passions éthérées, une jeune femme, à la pureté d’âme délicate, qui ne cesse de tomber en pâmoison, des soupirs en veux-tu en voilà, et de l’aventure pardi ! De quoi tenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page tournée !

En bref, un classique incontournable du genre qui fait frissonner sans toutefois verser dans l’horreur. Dumas reprend le filon gothique britannique et l’exploite avec brio, en le densifiant par l’ajout d’une touche romantique très française. J’ai désormais hâte d’attaquer la lecture des Mille et un fantômes

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Lu dans le cadre du Challenge XIXème siècle organisé par Fanny sur le blog Le manoir aux livres. Pour y participer c’est ici!

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29 commentaires pour Pauline

  1. Pauline dit :

    Je viens faire mon premier tour sur ton fameux blog et je tombe nez à nez sur mon prénom après avoir vu ta belle bibliothèque customisée ^^
    Je trouve que ce blog est une mine d’or pour ceux comme moi, qui ne connaissent pas grand chose à la littérature 🙂
    Je prends un véritable plaisir à te lire! Tu sais donner cette envie de « dévorer les livres » 😉

    Bien cordialement, une collègue qui affronte les dures labeurs du travail avec toi ^^

    • missycornish dit :

      Contente de te lire sur la toile! J’espère que cela t’auras donné envie d’en lire quelques uns… D’autres chroniques vont suivre sur des romans plus contemporains. J’espère te revoir bientôt sur le blog pour papoter de tes lectures et coups de cœur. Merci pour ta visite, ça fait vraiment plaisir! A lundi!

  2. maggie dit :

    Il fait partie de mes auteurs fétiches ! Pauline est une réussite dans le genre roman gothique, rien ne manque !

  3. M de Brigadoon Cottage dit :

    Ah Dumas !!!!!!!!!!!!!! Je l’ai adoré et encore aujourd’hui il me fait rêver et rire. Curieusement je ne connais pas ce livre . Il va falloir que je m’y mette …….

  4. J’adore Dumas : ses histoires, sa plume. C’est une lecture qui m’avait beaucoup satisfaite.

  5. Cleanthe dit :

    ‘Pauline’ est l’une des pépites méconnues dont l’oeuvre de Dumas abonde. Dans un autre genre, je te conseille ‘Olympe de Clèves’.

  6. nath dit :

    Je n’ai jamais lu ce Dumas, voilà qui donne envie

  7. LaGueuse dit :

    J’aimais bien quand tu faisais « les années bac », si tu te penches à nouveau sur les classiques français obligatoires pourrais-tu faire un billet sur Le Rouge et le Noir ?

    • missycornish dit :

      peut-être j’y réfléchirai, pour l’instant j’ai du mal à rentrer dans l’univers de ce roman. La couverture me rebute aussi. On verra, je tenterait de le lire quand même dans le courant de l’année. J’ai déjà décidé de me lancer dans Thérèse Raquin qui m’a l’air bien sombre…

  8. LaGueuse dit :

    Ma prof en licence a écrit la préface de cette édition, rien que pour cela j’aimerais bien y jeter un oeil.

  9. denis dit :

    C’est un auteur que j’aime lire de temps en temps. Je ne connaissais pas celui-ci. Il en a tant écrit. J’ai aussi adoré la visite de son château.

    • missycornish dit :

      Moi aussi j’aime le lire. La visite de son château m’a donné envie de lire Le comte de Monte-Cristo et Les trois mousquetaires. J’aimerais désormais visiter la demeure de son enfance. Peut-être aux prochaines vacances…

  10. Sybille dit :

    Je n’ai lu que la Reine Margot de cet auteur mais j’avais adoré donc pourquoi pas celui-ci, je note 🙂

  11. Sev dit :

    Ca me ferait du bien, aussi, une cure de literature francaise!
    Caen, c’est tres joli 🙂

  12. DF dit :

    Je lis actuellement un livre sur une autre Pauline, Pauline Dubuisson. C’est « Une belle femelle » de Philippe Jaenada – un roman biographique qui plonge dans les années de la Seconde guerre mondiale et celles qui ont immédiatement suivi.

    • missycornish dit :

      Je ne connais pas du tout cette auteur mais je m’intéresse aussi beaucoup à cette période de l’histoire. Pour ma part, Suite française me tente grandement depuis son adaptation au cinéma. Je note Pauline Dubuisson et viendrai lire avec plaisir votre futur chronique sur sa biographie.

  13. cora85 dit :

    Je ne l’ai pas apprécié autant que toi : j’ai envie de secouer ce type de personnage en général !
    Dans le genre gothique, je serai tentée par Ann Radcliff ou par « Le moine ».

    Ondine

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