Après avoir lu respectivement, il y a deux ans, Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil dont je garde un souvenir plutôt tiède et flou et 1Q84 (voir ma chronique ici) que j’avais détesté avec passion (…), j’ai souhaité me replonger une fois de plus dans l’univers intriguant de Murakami, espérant enfin comprendre l’engouement, voire l’adulation de certains lecteurs pour cet auteur japonais médiatique … Au risque d’en décevoir plus d’un, mon ressenti n’a pas changé d’un iota. Voici donc ma troisième tentative infructueuse de lecture murakamienne.
Quel dommage ! Le titre racoleur avait pourtant d’abord attiré mon œil scrutateur tout comme la couverture qui était très aguicheuse. Le début du roman était de surcroît plutôt encourageant, même si l’intrigue manquait quelque peu d’originalité.
Le récit, à mon grand regret, est assez creux : le narrateur dont l’identité demeure inconnue jusqu’à la dernière page, s’éprend de sa meilleure amie Sumire, une jeune femme un peu exubérante et passionnée qui rêve de devenir une grande romancière. Mais elle n’éprouve aucun désir charnel pour lui puisqu’elle est lesbienne et même amoureuse de Miu, une business woman mariée et, cerise sur le gâteau… hétéro ! Tout un programme donc…
Il faut bien l’admettre, bien que Murakami, comme beaucoup d’écrivains médiatisés de son temps, n’ait pas grand chose à dire, il reste malgré tout un excellent conteur dont le talent d’écriture est palpable dès la première page tournée. Cette fluidité particulière presque envoûtante qui caractérise son écriture pousse malgré tout le lecteur à poursuivre coûte que coûte le récit. C’est pourquoi, j’ai tenu à persévérer avant de le clouer au pilori pour de bon.
Malheureusement, les personnages principaux trop banals et peu attachants ont tôt fait de m’agacer ; quant aux états d’âme de Sumire, ils m’ont laissée complètement de marbre. Je suis en outre restée complètement hermétique à la souffrance du narrateur qui traîne son spleen d’un bout à l’autre du roman. J’ai finalement préféré suivre les pérégrinations de ce frêle héros dans la recherche de son amour perdu. En effet, la deuxième partie du livre consacrée à la disparition soudaine de Sumire, son amie et son âme-soeur spirituelle qui s’est étrangement volatilisée durant un séjour en Grèce, était sans doute la partie la plus intéressante du roman.
Cet épisode m’a d’ailleurs étrangement rappelé l’intrigue géniale mais malheureusement non aboutie de Picnic at Hanging Rock, où trois jeunes filles d’un pensionnat se volatilisent dans le bush australien sans laisser de trace. L’inspiration de l’auteur est flagrante. Certes, Murakami a bien des lettres mais il semble incapable de fixer son attention sur un seul angle d’écriture et une seule idée directrice. Son indécision finit par frustrer le lecteur car cet épisode aurait pu ouvrir la voie (même tardivement) à une enquête haletante.
A l’évidence, Murakami excelle davantage dans la nouvelle que dans le roman où son univers “éparpillé” semble plus contenu et où il réussit mieux à instiller un véritable malaise et une atmosphère étrange, presque surréaliste, qui détonne avec la réalité crue dans laquelle ses protagonistes sont toujours embourbés.
Un seul passage a suscité un sursaut d’intérêt pour mes yeux fatigués et m’a désarçonnée, le récit étrange au-delà du réel que fait Miu à Sumire, où l’histoire bascule subrepticement dans le fantastique. Cette envolée géniale est un éclair dans cette nébuleuse : l’épisode terrifiant de la grande roue m’a non seulement glacé les sangs mais m’a aussi rappelé Le Horla de Maupassant tout comme les récits glauques de Stephen King.
Cette histoire contée sous forme d’anecdote anodine était excellente, dommage encore une fois que l’écrivain ne l’ait pas davantage exploitée. On sent poindre dès la moitié du livre des signes d’essoufflement dans l’élaboration de l’intrigue qui s’effiloche au fil des chapitres.
Murakami est aussi un auteur très inspiré (peut-être un peu trop…), et certaines scènes semblent de ce fait tout droit sorties d’un film de la nouvelle vague. J’y ai ainsi noté quelques références bancales au Mépris de Godard. La Grèce est dépeinte comme un paradis terrestre en apparence, mais où les âmes torturées de nos héros feront inévitablement naufrage.
L’écrivain nippon renoue pour finir avec ses plaisirs racoleurs en décrivant dans le menu détail les désirs refoulés des personnages. On a ainsi le droit à quelques passages d’une poésie sublime où il nous décrit à plusieurs reprises la toison pubienne (soyeuse et en forme de triangle !) de Sumire, fantasmée par notre narrateur inconnu (bof bof…).
Les propos fumeux des personnages ont fini de ternir cette lecture déjà bien laborieuse… Je vous laisse profiter de cet extrait particulièrement percutant :
“Je crois que quelque part -dans un univers très improbable- j’ai tranché la gorge de je ne sais quel animal. J’ai aiguisé mon couteau, et je l’ai fait avec un cœur de pierre. Symboliquement, comme pour bâtir une porte chinoise. Tu comprends ce que je dis?” (moi pas vraiment …)
En bref : l’auteur bourre un tantinet trop son récit de péripéties et de réflexions pseudo-philosophiques nébuleuses dont on se passerait bien et qui ont rendu le récit interminable. Ses scènes passablement érotiques semblent aussi davantage un appât mercantile et un brin malhonnête pour relancer l’attention déjà défaillante du lecteur qui n’est malheureusement pas dupe… Si les thèmes chers de l’écrivain sont bien présents ici, tels que l’angoisse de la page blanche, le néant spirituel ou l’amour non partagé, il n’en restent pas moins abordés avec maladresse et superficialité. La trame est aussi décousue.
Et une nouvelle contribution au challenge de Lou et Hilde, Un mois au Japon.
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Aïe !!! Et si tu essayais La course au mouton sauvage et surtout Kafka sur le rivage ???
Oui je vais retenter ma chance. 😅 J’adore son écriture mais ses histoires sont bizarres. Lequel me recommandes-tu en premier ?
Je vais passer mon tour ! Je n’ai jamais tenté Murakami, mais j’avoue que ça ne m’attire pas du tout. Et en te lisant, je ne suis pas certaine que ça me plairait, alors qu’il y a tellement d’autres bouquins qui m’attendent ^^
Tu loupes pas grand chose… C’est moyen.
J’avoue ne pas etre attiree par cet auteur…mais il va falloir que je m’y lance…il reste intrigant…;)
Il est un peu étrange mais ce n’est pas un grand roman.