Vianne Rocher, une chocolatière séduisante, et sa petite fille Anouk, s’installent à Lansquenet, un petit village français pour ouvrir une confiserie non loin de l’église. L’endroit semble idéal pour prendre racine mais dès leur arrivée, les commérages vont bon train. Si certains villageois cèdent à la gourmandise, d’autres ne voient pas d’un bon œil ce temple de la tentation. Craignant que les habitants sombrent peu à peu dans l’oisiveté et le péché de gourmandise, le prêtre Reynaud tente l’impossible pour saborder la chocolaterie …
Voici une lecture savoureuse, un doux roman de facture classique qui m’a enchantée. J’ai pris mon temps pour achever cette lecture, d’où mon billet tardif, car si elle présente indéniablement quelques petites longueurs, la plume fluide et épurée de l’auteure m’a tout de même transportée dans une bulle de quiétude particulièrement revigorante. On suit en effet comme le doux courant d’un ruisseau au bord de l’eau, le rythme lent de cette œuvre charmante tout en sachant pourtant pertinemment bien l’issue inéluctable du livre. Point de surprise, Vianne et sa fille sont vouées à errer inexorablement sur les routes… Chaque lieu n’est qu’une étape, une escale où elles trouvent toutes deux un asile pour fuir les démons de leur passé.
La thématique du deuil prend par ailleurs une place prépondérante dans ce roman. Vianne Rocher cultive le souvenir de sa mère disparue, avec qui elle entretenait une relation fusionnelle. Sans cette figure maternelle qui lui servait de guide dans sa vie, elle parcourt inlassablement le monde en quête d’un pied-à-terre, d’un refuge pour apaiser son chagrin. Sa petite fille Anouk sur ses talons, Vianne est incapable de se fixer véritablement. Cet aspect du roman qui garde pourtant d’un bout à l’autre une touche d’optimisme demeure malgré tout un tantinet sombre…
Si la mère était une femme empreinte de mysticisme et nourrie de superstitions païennes, Vianne a quant à elle une façon détournée d’employer ses dons divinatoires. Le chocolat demeure pour elle un moyen de sonder l’âme humaine. Chaque friandise est ainsi révélateur d’une personnalité tout comme d’un trait de caractère propre à chaque individu. Alors que certains lisent dans les feuilles de thé ou dans les cartes de tarot comme sa propre mère avait coutume de le faire avant elle, Vianne leur préfère le chocolat… Une idée originale qui m’a plu dès les premières pages.
J’ai beaucoup apprécié cette galerie de personnages étranges et mystérieux qui peuplent ce drôle de roman tout comme le cadre de l’intrigue, ce village pittoresque, oh combien cliché qui semble tout droit sorti d’une scène pastorale. Bien entendu, je garde une préférence toute particulière pour l’héroïne, Vianne Rocher, une femme fascinante à l’esprit un peu bohème. Cette enchanteresse réchauffe les cœurs blessés et rabiboche les âmes querelleuses. A son contact, les villageois prennent peu à peu goût à la vie… Comme réveillés d’un profond sommeil, leurs sens sont davantage aiguisés sous les effluves chocolatés de La Céleste Praline.
Certains passages du roman sont également touchants. La relation qu’entretient le vieux maître d’école du village avec son fidèle compagnon, son petit chien vieillissant, m’a émue jusqu’aux larmes. Si le prêtre Reynaud se moque avec une pointe de mesquinerie de cet amour “ridicule” et excessif pour les bêtes qui sont à ses yeux dénuées d’âmes, Vianne Rocher comprend au contraire cette relation particulière et insolite qui lie ces deux êtres vivants. Une vision déjà avant-gardiste pour son temps, et qui s’écarte de la pensée traditionnelle…
Ainsi donc, Joanne Harris nous prouve bien qu’un bon chrétien peut se révéler paradoxalement un piètre être humain. La bonté tout comme la générosité sont deux qualités qui loin d’être innées ne s’apprennent pas nécessairement sur les bancs de l’église… L’école de la vie demeure encore avant tout le meilleur moyen d’accéder à la sagesse…
En bref: l’auteure n’y va pas avec le dos de cuillère pour fustiger sous cape la religion catholique tout comme la peur parfois ridicule et obsessionnelle du péché. Les personnages tentent vainement de résister au plaisir gourmand qui les titille. Le prêtre Reynaud, un Frollo rigide et implacable, garde un œil scrutateur sur la petite vertu de ses paroissiens mais à son grand dam, avec ses chocolats, Vianne Rocher sèmera la zizanie dans les chaumières.
Au risque de manquer d’objectivité, j’ai savouré ce petit roman tendre et enlevé. Les personnalités croquées sont irrésistibles et la vie provinciale française est ici dépeinte avec une ironie débridée truculente.
Certes, ce livre présente quelques faiblesses d’écriture, en particulier dans la dernière partie où l’intrigue s’essouffle quelque peu. Toutefois, il se dégage de cette atmosphère étrange et envoûtante un certain je ne sais quoi qui pousse à poursuivre malgré tout la lecture jusqu’à la dernière page avalée.
Qu’en est-il du film?
J’ai bien évidemment visionné l’adaptation cinématographique de 2001.
Le film transpose la trame de l’histoire dans les années 50, un choix finalement judicieux car elle permet de donner un certain cachet au décor qui malheureusement dans le livre manque parfois cruellement de caractère. En effet, le roman est censé prendre pour toile de fond les années 80 mais finalement très peu d’indices temporels permettent d’imaginer cette époque.
L’adaptation cinématographique du roman est à mon sens plus réussie car elle possède une touche magique parfois un peu trop absente dans l’œuvre originale. Juliette Binoche incarne merveilleusement bien la séduisante Vianne Rocher. Le rôle lui colle à la peau. Vianne est ici une femme au tempérament de feu qui n’aime guère qu’on la contrôle. Elle se méfie instinctivement de la religion et puise d’ailleurs sa foi tout comme sa spiritualité autre part, dans un univers qui lui correspond davantage, façonné selon sa propre image. Tolérante et généreuse, sa chocolaterie deviendra un refuge, un foyer chaleureux si différent de l’atmosphère froide et marmoréenne de l’église … N’étant moi-même pas particulièrement pratiquante ni soucieuse des qu’en dira-t-on, j’ai beaucoup aimé ce personnage féminin. Rebelle par ses convictions, Vianne Rocher demeure malgré tout étonnamment féminine, ce qui la rend particulièrement redoutable et aussi dangereuse pour le prêtre Reynaud, accablé par ses désirs réfrénés.
Un dernier mot sur cette jolie édition : j’ai pris plaisir à lire ce roman dans ce grand format dégoté en seconde main sur Vinted dans une édition quasi-neuve. Je me suis empressée de commander également Les cinq quartiers d’orange qu’il me tarde de lire. Je vous en parlerai je l’espère prochainement…
La bande-annonce :
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2 coups de coeur ici aussi ! 🙂 Bonne semaine !
Ah super! Bon ben je vais le lire alors ce deuxième livre. La couverture est alléchante. J’adore cette édition grand format.
Je ne connais film et roman que de nom, mais tu me tentes ! J’avoue que ce n’est pas ce vers quoi je me dirige habituellement, mais tu sais attiser l’envie et je vais noter ça pour le trouver à la médiathèque 🙂
Quant au film, j’avoue que l’affiche m’a toujours rebutée, et Johnny Depp m’agace vite, mais peut-être que je devrai quand même lui donner une chance !
Le film comme le livre valent la peine. Je ne supporte plus non plus Johnny Depp mais finalement dans l’adaptation on le voit peu. Juliette Binoche a bien plus d’importance. Je pense qu’ils l’ont mis sur l’affiche pour vendre mieux le film mais il a un rôle très secondaire.
Oh oui vraiment tout un magnifique film….et vive le chocolat/piment….;)
Hâte de lire les 5 quartiers d’orange.
J’ai aimé le film itou. Johnny Depp tel qu’en lui-même et Juliette Binoche lumineuse !
Oui c’était avant que Johnny Depp se grime. 🙄 Juliette Binoche je l’adore. Je trouve qu’elle a une classe folle. C’est sans-doute mon actrice française préférée. Elle est juste superbe dans ce film. Je l’ai revu et je trouve qu’il a plutôt bien vieilli. Une belle surprise. Les cinq quartiers d’orange me fait de l’oeil depuis un moment. 😊