Après une recherche infructueuse d’un bon western sur le catalogue Netflix, j’ai bien envie de me revoir cet incroyable remake qui reste encore aujourd’hui un très grand coup de cœur …
Emma Cullen, une jeune veuve revancharde accompagnée de son associé Teddy Q, engage une armée de sept mercenaires pour protéger sa petite ville de Rose Creek, qui est sous la coupe de Bartholomew Bogue, un industriel despotique souhaitant piller son or. Désespérée, elle fait appel à des hors-la-loi à la morale flexible. Ces sept mercenaires de prime abord motivés par un opportunisme mercantile, ne se doutent pas du combat qui les attend pourtant à leur arrivée… Cette mission suicidaire remettra en question leurs principes fondamentaux…
Notre dernier rendez-vous ciné avec Maggie avait pour thème les films rétros. Pour voir son billet c’est ici, elle nous parle d’un classique de Disney, le beau dessin-animé de Mulan.
N’ayant pu visionner la version originale des Sept mercenaires faute de temps pour me la procurer, j’ai finalement opté pour la version moderne de 2016. Antoine Fuqua, que l’on connaît grâce au franc…
A la lisière de la forêt, Nell et Eva, deux jeunes sœurs que tout oppose, se retrouvent du jour au lendemain isolées dans leur demeure familiale. Leur monde si familier a vacillé à la suite de l’effondrement de la société. Pour survivre, les deux jeunes filles n’ont d’autre choix que de renoncer à leurs rêves respectifs, matérialistes et vains (l’une aspirait à devenir une grande ballerine, l’autre avait pour projet d’intégrer Harvard), ainsi qu’au confort rassurant de leur existence moderne réglée comme du papier à musique. Mais leurs ambitions seront fatalement balayées à mesure que leur monde s’effrite autour d’elles pour finir réduit à une peau de chagrin.
Elles tenteront avec résilience de faire face à ce désastre humain, le déclin de leur civilisation qui bouleversera leurs convictions les plus profondes et les forcera à remettre en question leur mode de vie tout comme leur rapport à la nature…
Comme j’ai aimé ce beau roman d’anticipation à la fois sombre et lumineux. Ayant lu il y a deux ans le formidable livre Le mur invisible, un pur chef-d’œuvre d’écriture, sublime de Marlene Haushofer (ma chronique ici) qui reprend des thématiques analogues, comme l’importance de la sauvegarde de la planète et de sa faune, la place essentielle de la femme dans l’avenir du monde et l’épuisement des ressources naturelles de la terre, l’œuvre de Jean Hegland ne pouvait que m’interpeller. On notera que les deux écrivaines font toutes deux preuves d’une grande sensibilité dans leur écriture. Publié en 1996, Dans la forêt fait aussi étrangement écho à notre actualité et se révèle plutôt visionnaire à l’heure où pour la première fois dans l’histoire de l’humanité depuis 2019, on évoque désormais officiellement la dette écologique de l’homme (le fameux Dépassement) de plus en plus importante chaque année. Les ressources naturelles s’épuisent trop vite et le futur de l’humanité semble de ce fait s’assombrir davantage à mesure que le temps passe.
Jean Hegland est convaincue que la société de consommation ne pourra irrévocablement pas nous sauver d’une quelconque crise, qu’elle soit humanitaire, économique ou sociale. Le matérialisme freine ainsi les deux sœurs de ce roman qui s’accrochent éperdument à leur passé et leur existence bien rangée et aseptisée. L’abandon de ces futilités capitalistes sera finalement leur véritable salut, la seule façon pour elles deux de survivre dans les bois en utilisant leurs ressources (plantes comestibles, animaux). Jean Hegland fait un éloge puissant et magnifique de la nature qui m’a bouleversée. J’ai d’ailleurs noté de très beaux passages, des scènes éprouvantes et émouvantes dont je garde encore une certaine mélancolie.
Je me suis bien évidemment attachée à ces deux protagonistes féminins car l’auteure réussit avec brio à portraiturer ces deux héroïnes différentes mais pourtant complémentaires. Eva, cette ballerine rêveuse et passionnée, n’a que faire du futur, elle se consume et consomme tout ce qui l’entoure sans se préoccuper des conséquences. Elle engloutit tout ce qui se trouve sur son passage et danse au nom de son art jusqu’à faire saigner ses pieds meurtris. Cette danseuse aux troubles obsessionnels m’a mise cependant profondément mal à l’aise. Sa passion dévorante pour la danse la rend presque parfois froide et inhumaine. Je lui ai préféré la narratrice, Nell, qui, quant à elle, est bien plus raisonnable et raisonnée. Cette dernière anticipe et s’inquiète toujours du futur. Elle observe et dissèque constamment son environnement à la manière d’une anthropologue et puise sa connaissance du monde dans ses lectures, son principal savoir provient d’ailleurs de la bibliothèque de ses parents. La relation qu’entretiennent Nell et Eva est également déconcertante car leur amour indéfectible frise parfois l’inceste… Un aspect du livre qui m’a un tantinet déplu dans la construction de l’intrigue et m’a quelque peu déroutée…
Attention spoiler!
Ce petit point noir dans ce roman a en effet quelque peu terni cette lecture formidable qui aurait pu être un immense coup de cœur. L’auteure a tenté de sortir des sentiers battus en incluant un passage “queer” un brin dérangeant où les deux sœurs dans un accès de désespoir à la suite du viol d’Eva (par un illustre inconnu), s’ébattent dans la forêt pour exprimer leur complicité mutuelle. Cette relation étrange entre elles qui est teintée de saphisme m’a laissée quelque peu songeuse et gênée (d’autant plus que j’ai ironiquement offert en cadeau le roman d’anticipation à ma propre sœur, cela m’apprendra à ne pas l’avoir lu au préalable). A quoi pouvait bien servir ce passage? Était-ce pour illustrer la chute tout comme la déchéance de la civilisation humaine et de ses principes moraux? Sans interdit, l’Homme, (ou en l’occurrence ici la femme), devient-il enfin libre en aimant sans aucune entrave la personne de son choix? L’acte sexuel, dès lors dépossédé de tout tabous, devient-il un rituel pur et innocent? Au risque de faire de la philosophie de bac à sable, j’abandonne toute analyse sur ce sujet. En toute subjectivité, cet épisode est à mes yeux clairement incestueux et s’est révélé de mauvais goût (« cringe » comme disent les anglo-saxons…). L’auteure ne devait être guère plus convaincue que cela, car elle n’y a consacré qu’un paragraphe bancal (et assez mal écrit) comme si ce passage intimiste avait été ajouté à la dernière minute au manuscrit… Cette scène inutile est quelque peu dissonante en comparaison du reste du roman qui est extrêmement bien rythmé malgré la lenteur des événements consignés dans le journal de Nell, la narratrice.
Fin du spoiler.
Qu’à cela ne tienne, j’ai lu ce livre avec voracité. Si leur routine est de ce fait bouleversée par l’effondrement de l’humanité, ce changement cataclysmique provoque finalement une forme d’exaltation, une aventure est sur le point de chambouler le quotidien de ces deux jeunes filles. Leur résilience force au fil des pages l’admiration, ce sont les vestiges de leur éducation qui les sauvera, ayant toutes deux vécu dans la bulle protectrice de leur maison et ayant eu comme professeurs leurs propres parents. La romancière semble privilégier l’éducation à la maison à la scolarité traditionnelle. Nell et Eva ont en effet tiré de cette expérience formatrice, l’autonomie. La simplicité de leur vie deviendra une force et non une faiblesse comme on pourrait pourtant l’imaginer. A la suite de la mort de leurs deux parents, les demoiselles devront faire preuve d’un courage exemplaire tout comme d’une résilience inébranlable. Les conditions seront rudes et les rencontres souvent létales pour les deux jeunes filles mais la nature demeurera leur principal refuge…
Par certains moments, j’ai retrouvé dans cette lecture méditative, l’ambiance pessimiste du film apocalyptique, dur bien que réaliste et crédible de The Postmanavec Kevin Costner, que j’avais visionné il y a de nombreuses années, et qui m’avait laissé un souvenir impérissable. On y retrouve le même désespoir, la même mélancolie tout comme l’impression désagréable de suffoquer. Nell et Eva sont elles aussi confrontées à la fin de leur monde. Une terrible infection semble sévir, est-ce une nouvelle sorte de méningite? (ou Covid…)? Même les antibiotiques ne peuvent en venir à bout. On évoque aussi des coupures d’électricité de prime abord sporadiques puis de en plus fréquentes à mesure que la population se retrouve décimée par un étrange mal. Hébétées, nos héroïnes ne comprendront pas tout de suite que leur sort est irrévocablement scellé. Pendant ce temps, les guerres successives affaiblissent les régimes en place, déstabilisant peu à peu l’économie du pays. Les pénuries deviennent monnaie courante. Tout cela ne vous rappelle rien? … Vivons-nous déjà en pleine science-fiction? Le capitalisme est-il à bout de souffle et sommes-nous à l’aube d’un revirement drastique de notre mode de vie?… Cette lecture s’est révélée franchement perturbante.
Pour conclure enfin, si le souvenir du roman magnifique Le mur invisible (publié en 1963) revenait toujours en transfert, Dans la forêt, très inspiré, complète parfaitement l’œuvre romantique allemande désespérante de Marlene Haushofer, bien servie par son écriture. Il émane pourtant de cette curieuse robinsonnade, à l’atmosphère lourde et pesante, un espoir, celui de pouvoir s’ancrer dans la vie et de faire perdurer l’Homme coûte que coûte malgré son avenir incertain… Cette fable écologique et féministe est donc saisissante. Je compte bien la relire un jour.
Un dernier mot sur l’adaptation du livre à l’écran : un film a priori fidèle de ce best-seller américain a vu le jour en 2015 mais est passé presque inaperçu. Il aurait reçu un accueil plutôt froid des critiques. Il me tarde d’y jeter un coup d’œil à mon tour pour me faire mon propre avis. Voici la bande-annonce :
Envies du moment : relire peut-être une œuvre de Thomas Hardy… Des suggestions de lectures similaires? Je lirai bien Les forestiers du même auteur ou bien La colline aux gentianes d’Elizabeth Goudge.
XIXème siècle. Une jeune châtelaine, Lady Viviette Constantine, esseulée depuis que son époux l’a abandonnée pour la chasse au lion en Afrique, parcourt son domaine en quête d’une possible distraction. Dans une tour désertée, une lumière jaillit d’un interstice. Une présence humaine semble y avoir pris ses quartiers. Lady Viviette décide d’y jeter un œil et découvre à son émerveillement un jeune astronome séduisant qui vient chaque nuit observer les astres pour les étudier. Les protagonistes de cet étrange couple vont peu à peu nouer des liens amoureux et tenter malgré leur place dans la société de s’unir secrètement… Mais ces deux êtres, que tout semble éloigner se trouvant pourtant attirés l’un à l’autre malgré leurs différences sociales, peuvent-ils vraiment s’opposer aux tumultes de la vie et au fossé grandissant creusé par la différence de leurs âges ? Cet amour pourra t-il surmonter les obstacles qui semblent continuellement les séparer…
26/10 à 9h : Le fameux grand read-a-thon d’Halloween a enfin débuté ! Et… j’ai déjà manqué la première soirée… J’entre dans la danse tardivement… Comme d’habitude… Je suis pourtant en vacances depuis quatre jours mais pour ma défense, j’ai … Lire la suite →
En attendant de pouvoir vous parler d’une nouvelle lecture Halloweenienne satisfaisante, voici un billet sur La maison des oubliés, une histoire de fantômes glaçante et efficace comme je les aime et dont je garde encore un très bon souvenir. Je pense relire prochainement Peter James. J’ai d’ailleurs dans ma PAL Hypnose qui me tente bien pour ce mois-ci … Vais-je craquer? J’ai prévu de faire une toute petite trêve dans ma programmation de billets frissonnants pour vous partager mon avis sur une jolie austenerie découverte ce mois-ci, une lecture idéale pour cocooner durant ces prochaines vacances … Affaire à suivre !
Je déclare officiellement la saison halloweeniene ouverte ! Je l’attendais avec impatience ! Le temps s’accorde d’ailleurs à merveille à cette occasion. En Normandie, une pluie fine associée à une bourrasque fraîche s’est progressivement installée. Les jours se raccourcissent peu à peu, la luminosité baisse et les feux de cheminées ont repris ! J’ai donc retrouvé avec plaisir mon petit rythme de croisière de lectures automnales en me plongeant dans quelques œuvres frissonnantes. Mon choix s’est tout naturellement porté sur ce roman, une histoire glaçante de hantise :
Ollie Harcourt rêve d’une existence paisible à la campagne loin de la banlieue bruyante de Brighton où il a passé la majeure partie de sa vie. Ce web designer aisé convainc sa famille hésitante de le suivre pour s’installer dans un petit manoir vétuste qu’il croit pouvoir restaurer. La tribu Harcourt tombe de prime abord sous le charme de cette demeure…
Pour célébrer Halloween comme il se doit, je me suis lancée ces dernières semaines dans des lectures de saison (j’en ai à foison dans ma PAL). Je suis toujours aussi friande de récits frissonnants bien glaçants, et j’avoue avoir une petite faiblesse pour les histoires de revenants aux accents gothiques, en particulier si elles prennent pour cadre une vieille demeure inquiétante et énigmatique au beau milieu d’une campagne esseulée. Mon attention s’est donc naturellement portée sur ce roman estampillé « terreur ».
Les ombres de Wild fellest un drôle de livre glaçant qui m’a finalement perturbée voire même parfois déconcertée. Les premières scènes du livre m’avaient pourtant filé une sacrée frousse mais au fil des pages, la lassitude a progressivement pris le dessus sur la curiosité, et mon attrait pour l’histoire s’est réellement affaibli, et ce dès l’introduction d’un passage pour le moins glauque et malsain. L’auteur a en effet cédé au désir mercantile d’appâter le lecteur coûte que coûte en ajoutant quelques scènes de sexe bien crues et franchement dégoûtantes pour évoquer avec une certaine maladresse les thématiques de l’inceste et de la pédophilie. Ce choix racoleur de l’écrivain a terni mon plaisir de lecture. Dès lors, le livre n’avait pour moi plus grand intérêt, je n’ai d’ailleurs pas du tout aimé la tournure qu’ont pris les événements. L’intrigue déjà pour le moins sulfureuse s’est réduite au fur et à mesure à une peau de chagrin car le dénouement est indéniablement mauvais. La fin est de ce fait complètement tirée par les cheveux. A l’issue de cette lecture décevante, j’ai eu l’impression désagréable d’avoir perdu un temps précieux et m’être fait quelque peu berner comme si l’auteur s’était contenté d’une ébauche, à défaut de produire un roman vraiment abouti. Je comprends mieux pourquoi ce livre est passé quasiment inaperçu ces dernières années et a été très peu chroniqué sur la toile. Il est en fin de compte peu mémorable.
J’étais pourtant entrée très aisément dans cette lecture angoissante. L’île isolée de Black Island et de la demeure Wild fell m’avaient toutes deux rappelé la maison effroyable des marais présente dans La dame en noir, une histoire hypnotique de fantômes qui m’avait fait dressé les cheveux sur la tête et qui m’avait ensorcelée (mon billet ici) … J’ai d’ailleurs retrouvé une atmosphère oppressante analogue à cette novella terrifique car il y était ici aussi question d’une entité délétère en quête de vengeance, un aspect presque incontournable lorsqu’il s’agit d’un roman sur le thème de la possession. Cependant, la fin s’est révélée bien décevante en comparaison de la première partie du roman que j’ai lu pourtant avec avidité bien qu’avec une certaine appréhension.
Le roman s’ouvre en effet sur un rendez-vous au bord d’un lac (the Devil’s Lake), l’ambiance est bucolique et plutôt romantique. L’histoire dès les premières pages, inquiétante, débute dans les années 60 au fin fond d’une forêt canadienne non loin de la ville d’Alvina. Deux jeunes amants, Brenda et Sean, découvrent les premiers affres de l’amour. Ils décident de prendre une petite barque pour traverser au clair de lune l’étendue d’eau insondable qui s’étend sous leurs yeux, après avoir aperçu au loin, dans les ténèbres brumeuses, la fameuse demeure délabrée de Wild fell qui abriterait en son sein les fantômes de l’ancienne famille des Blackmore, établie sur ces rives au XIXème siècle. Les membres de cette dernière auraient tous péri non loin de cette bâtisse gothique isolée, dans des circonstances pour le moins étranges… Les deux jeunes gens n’arriveront jamais à bon port… Brenda prise soudain d’un sentiment de panique persuade son compagnon de faire demi-tour pendant qu’il en est encore temps. Le garçon accepte avec réticence sa requête et les amoureux s’installent à la lisière du lac pour s’endormir devant un feu improvisé lorsque des papillons de nuit gigantesques prennent progressivement les lieux d’assaut… Le lendemain, les deux tourtereaux seront portés disparus et leurs dépouilles bientôt repêchées, flottant au milieu du lac… Que s’est-il vraiment produit durant cette nuit dramatique qui marquera à jamais la petite ville d’Alvina? Ce mystère hantera encore les habitants durant de nombreuses décennies jusqu’à ce que l’arrivée d’un homme prétendant être le nouveau propriétaire de ces lieux maudits ne rouvre les plaies du passé…
Un tel résumé donnait donc l’eau à la bouche. La partie plus moderne du livre consacré à ce fameux propriétaire que le lecteur suit depuis son enfance à l’âge adulte s’est révélée néanmoins plus bâclée et tarabiscotée. L’auteur nous perd parfois dans le dédale des couloirs du temps, l’intrigue n’étant en effet jamais réellement linéaire. On se demande parfois où le romancier souhaite nous mener, et lorsque j’ai enfin découvert le fin mot de l’histoire, j’ai été à mon grand regret profondément déçue par le caractère presque grotesque du dénouement. Le seul point positif de cette histoire de fantômes bancale et brouillonne était la trouvaille géniale des miroirs qui permettent à l’étrange et énigmatique entité maléfique de communiquer avec le narrateur, nouveau propriétaire de Wild fell, et lui permet comme un portail donnant sur une autre dimension d’ouvrir des passages pour sévir dans le monde réel et étendre son pouvoir néfaste. Le reste est sans intérêt. Je choisirai la prochaine fois une meilleure pioche, peut-être reviendrai-je à une valeur sûre en me plongeant dans un bon Stephen King. Des idées?
Pour conclure, cette histoire de revenants un tantinet faiblarde n’est malheureusement pas parvenue à me convaincre malgré certains passages pourtant terrifiants. La fin est mauvaise et les scènes de sexe franchement glauques et immondes ont rendu cette lecture déplaisante. Et hop! Un roman de plus qui allégera mes étagères et finira directement dans une boîte à livres. Dommage… Si vous êtes à la recherche d’une lecture angoissante et efficace pour ce mois-ci, voici ici une meilleure idée. La maison des oubliées était une très bonne pioche et m’a donné quelques sueurs froides.
Elinor, une femme mystérieuse à la chevelure de feu, est retrouvée dans un hôtel déserté parmi des débris après qu’une crue dévastatrice ait détruit l’intégralité de la ville… La jeune femme séduit d’emblée le fils de propriétaires terriens qui décide contre les réticences de son propre serviteur de la ramener chez lui. Très vite, cette femme ravissante au passé trouble s’immisce dans la vie de la famille Caskey et s’intègre progressivement dans cette petite bourgade isolée et poussiéreuse, en déployant son ombre inquiétante sur les habitants tout comme les membres du clan. Marie-Love, la mère acariâtre du fils épris qui ne voit pas cette idylle d’un bon œil, pressent que son règne est désormais menacé, d’autant plus qu’une créature effroyable semble avoir surgi des tréfonds de la rivière… Dès lors, une rivalité nourrie de machinations et de manigances diaboliques débute entre les deux femmes, semant la discorde et le chaos dans la ville et au sein même du clan qui ne sortira pas indemne de cette guerre intestine sans merci.
Durant ces derniers mois, la saga Blackwater a suscité une telle émulation en France qu’elle aura piqué au vif ma curiosité. Je n’ai donc pas pu résister à mon tour à la tentation de plonger dans ses eaux troubles et fangeuses afin de découvrir si cette série de romans fantastiques et de terreur américaine valait vraiment cet étonnant succès éditorial. J’ai admiré sur les étalages de ma librairie la couverture de ces livres si originaux, de véritables bijoux d’imprimerie, au ton couleur de rouille et émaillés d’illustrations de feuilles d’or somptueuses en papier incrusté, un écrin sublime d’un esthétisme soigné et particulièrement élégant, parfait pour cette saga familiale remarquable. Bien évidemment, j’ai attendu fiévreusement la sortie de chacun de ses six volumes inédits, que j’ai lus avidement et engloutis durant ces trois derniers mois. Certains ont même réussi à me faire frémir d’horreur et d’appréhension, et m’ont rendu quasiment insomniaque (Allez, encore une toute petite page, juste une toute petite et j’éteins la lumière…).
Les romans de la saga Blackwater ont paru cet été de façon épisodique tous les quinze jours, une trouvaille intelligente et brillante des Editions Toussaint Louverture qui m’ont d’emblée séduite. Certes, cette idée était originellement celle de McDowell qui, de son vivant, souhaitait que ses romans soient publiés à la manière d’une série télévisée afin de rendre le concept addictif, ce qu’il fera d’ailleurs au cours des années 90. Stephen King s’est également inspiré de cette méthode mercantile pour produire sa propre série de livres fantastiques La ligne verte, qui est constituée elle-aussi (un simple hasard?) de six tomes… Hommage à McDowell ou simple plagiat, les romans du King ont connu eux-aussi un succès retentissant dans les années 90 et continuent encore de séduire de nombreux lecteurs à travers le monde. J’ai déniché, de seconde main, l’intégralité de cette collection de livres et espère pouvoir les lire prochainement. Ce choix éditorial similaire mais pourtant génial n’a rien d’étonnant puisque ces deux écrivains étaient des amis intimes. Ils se sont sans doute mutuellement influencés. L’épouse de King, Tabitha, a en outre travaillé sur un projet d’écriture commun avec McDowell, qui a donné naissance au roman Calliope, la voix des flammes, une histoire horrifique malheureusement un peu bancale que je doute lire cette année.
J’ai donc découvert avec un plaisir délectable cette fameuse saga gothique et fantastique de McDowell, et je dois avouer que ce récit endiablé m’a complètement ensorcelée. Chaque tome est conçu pour maintenir l’attention du lecteur coûte que coûte et s’achève sur un « cliffhanger » haletant. Dès les premières pages, j’ai été subjuguée par cette intrigue macabre prenant pour décor le sud aride des Etats-Unis, et en particulier ce coin perdu marécageux de l’Alabama où rien ne semble vouloir pousser. Bien entendu, le lecteur se doute bien que l’origine de cette ignoble créature émergée des eaux saumâtres de la Perdido est directement liée avec l’arrivée soudaine d’Elinor, cette mystérieuse et séduisante institutrice, aussi belle que vénéneuse. J’ai adoré le personnage de cette magnifique rousse, étrange et mystérieuse naïade dotée d’un pouvoir magnétique sur son entourage. Elle évolue toujours dans la fameuse zone grise… Qui est-elle vraiment et pourquoi a-t-elle décidé de mettre le grappin sur cette famille prestigieuse de propriétaires terriens? Du reste, Elinor est une femme extrêmement combative et déterminée. Elle semble faire corps avec ce paysage sauvage. Son ambition démesurée presque vorace force néanmoins l’admiration. Le lecteur se retrouve lui aussi envoûté par son aura ensorcelante… Elinor demeure jusqu’à la dernière page une héroïne ambiguë.
Si elle est incontestablement mon personnage préféré, je doute cependant d’oublier de si tôt les autres membres du clan Caskey et particulièrement les autres femmes qui le dirigent. Bien que leur vie soit façonnée par le courant de la Perdido, cette rivière capricieuse, elle l’est aussi dirigée par leurs ambitions démesurées et leur soif insatiable de réussite..
Aucune n’est d’ailleurs foncièrement bonne. Autour d’Elinor gravitent de ce fait d’autres figures féminines tout aussi audacieuses et monstrueuses. Elles n’ont d’ailleurs nullement besoin de dons surnaturels pour exercer leur pouvoir de nuisance. Ainsi Marie-Love, cette marâtre diabolique est une femme exécrable qui par mesquinerie s’échine à pourrir la vie d’Elinor, cette belle-fille au caractère trop passionné qu’elle haïe sans aucune équivoque. Marie-Love, une arachnide infâme, est un véritable poison qui filtre à travers toutes les interstices de la vieille demeure des Caskey. Comme j’ai aimé la détester et comme elle m’a glacé! Les femmes ici évoluant pourtant dans un monde rude d’hommes burinés par le soleil sont donc de véritables survivantes et restent les principaux moteurs de l’intrigue. Ce sont elles qui régentent l’existence des Caskey en imposant leurs propres lois et leur propre code de vie. Les hommes eux sont des êtres faibles qui ne servent que d’outils pour arriver à leurs fins. Conscients ou non d’être de simples pantins dans les mains de cette gente féminine diabolique, ces hommes sont étrangement fiers de leurs femmes, leur vouant presque une adoration aveugle et se laissent aisément manipuler par elles. Ils sont toujours corvéables à merci.
D’une plume corrosive, l’auteur dépeint avec maestria un univers d’une grande noirceur. Le roman possède en effet un potentiel horrifique exceptionnel. J’ai adoré en outre la scène d’introduction de cette saga. L’angoisse diffuse qui se dégage du roman monte crescendo. Certains passages et en particulier les scènes paranormales m’ont donné la chair de poule. J’étais réellement terrifiée à la lecture et étais prise d’une peur indicible à l’apparition des fantômes et revenants qui peuplent la demeure. La disparition d’un protagoniste est de ce fait toujours marquante.
J’ai d’ailleurs retrouvé la patte lovecraftienne tout au long du récit. L’hommage à cet écrivain fantastique est prégnant. Au confins des tourbillons de la Perdido qui draguent les déchets et les corps submergés se cache un monstre tapis qui n’est pas sans rappeler les créatures mystiques et innommables des abysses décrites par Lovecraft dans le Mythe de Cthulhu. On y retrouve une ambiance malsaine et décadente analogue à ces récits fantastiques. Par certains aspects, cette série de romans rappelle curieusement aussi la fameuse saga Dynastie car il y est également question d’une famille avide d’argent et qui s’échine à faire perdurer le commerce florissant de sa scierie. L’empreinte des grands auteurs américains sudistes tels que Mark Twain est aussi présente en filigrane. Comment ne pas aussi penser à Beloved à la lecture de ces romans? Le surnaturel y tient une place prépondérante tout au long de l’histoire.
L’auteur mêle ainsi habilement les genres (fantastique, horreur et saga familiale) et maîtrise aussi bien les ellipses pour faire avancer l’intrigue dans le temps. Toutefois, j’aurais parfois aimé que le lecteur s’attarde davantage sur l’évolution de certains personnages qui dans les derniers tomes sont quelque peu expéditifs. La fin manque à mon sens de surprise, elle est finalement assez prévisible car l’intrigue est cyclique. Cependant, ce n’est pas la croisière qui importe mais bien sa traversée.
Pour conclure, cette lecture s’est révélée malgré tout fabuleuse et hautement addictive. L’intrigue est plutôt bien ficelée et les péripéties font légion relançant constamment l’attention du lecteur.
Ce soap opéra horrifique aux relents nauséabonds est une très belle réussite. La lignée des Caskey et leurs guerres intestines m’ont passionné tout comme le gothic marsh literature (la littérature gothique des marais), un genre littéraire que je souhaite encore explorer un peu plus, c’est pourquoi il me tarde à présent de continuer mon incursion dans l’univers terrifiant de McDowell en lisant The Amulet. J’ai fait l’acquisition de ce roman de terreur pour Halloween et je pense qu’il ne fera pas long feu dans ma PAL.
En bref : cette œuvre de terreur culte et féministe avant l’heure, qui a paru pour la toute première fois en 1983, n’a pas pris une ride et est à découvrir de toute urgence ! Plongez à votre tour dans les eaux sombres de la Perdido, cette petite bourgade américaine désolée du sud des Etats-Unis, vous ne serez pas déçus!
Seconde participation au Mois Halloween et au Pumpkin Autumn Challenge.
Aussitôt lue et aussitôt chroniquée! Je viens tout juste d’achever de lire cette anthologie d’horreur de comics books adaptée de scénarios de Stephen King pour la série télévisée des années 80, The creepshow, ces fameux Contes de la crypte qui ont marqué ma jeunesse. J’ai frissonné de terreur à l’adolescence en les visionnant. J’aimais plus particulièrement le ton parodique et l’humour noir original qui s’en dégageaient. Cette série d’épouvante américaine avait en effet été modernisée et transposée durant les années 90 pour permettre à une audience plus jeune de la visionner. Dans la même veine que Chair de Poule et Fais-moi peur, les épisodes étaient souvent tout public et leur dénouement donnait malgré tout à réfléchir. Une morale amère et acerbe se dissimulait toujours en filigrane. Je trouvais les intrigues étonnamment bien ficelées et quelques fois mêmes inattendues. Il me tardait donc de débuter le Mois Halloween par cette anthologie horrifique un brin loufoque qui aurait dû être pour moi un plaisir nostalgique de lecture… Malheureusement, à mon grand regret, j’ai très vite déchanté.
Cet hommage littéraire quelque peu indigeste m’a paru inabouti. Je n’ai en effet pas réussi à retrouver le talent de Stephen King dans ces intrigues fadasses, ni d’ailleurs cette verve particulière et fine qui le caractérise tant. Le second degré n’est pas toujours évident et les chutes de ces histoires sont plutôt grotesques. Le gore est en outre un tantinet trop dégoulinant à mon goût voire même souvent écœurant. Et pourtant, les histoires semblaient de prime abord prometteuses. Dans l’une des nouvelles, une femme est hantée par le fantôme de son père. Elle l’aurait tué de sang froid à coup de cendrier après qu’il ait lui-même fait assassiner son amant dans un accident de chasse… La femme, rongée par la culpabilité, se rend chaque année sur sa tombe au moment de la fête des pères pour tenter d’expier son crime abominable… Mais un jour, le mort décide de refaire surface pour se venger de cette fille ingrate et désobéissante… Une autre nouvelle nous conte la découverte d’une étrange caisse en bois provenant d’une mystérieuse expédition dans l’Arctique datant de 1834. La caisse est restée durant de longues années scellée mais lorsque deux chercheurs décident de l’ouvrir, une étrange créature monstrueuse et avide de chair humaine s’en échappe pour dévorer tout sur son passage… Un mari déçu et frustré profite de cette aubaine pour faire supprimer sa femme qui le rabaisse constamment. Ces idées de départ me donnaient l’eau à la bouche mais peut-être sont-elles mieux transposées à l’écran.
Je m’attendais à un humour débridé et décalé, or, il n’en est rien, le dénouement de chacun de ces contes macabres n’a finalement ni queue ni tête. Certaines scènes m’ont en outre mises profondément mal à l’aise. J’ai terminé cette lecture le cœur au bord des lèvres, soulagée de pouvoir enfin refermer ce livre pour de bon. La mort rôde à chaque coin de page, elle frappe sans vergogne ni logique et lorsqu’elle se décide à frapper, elle fait rarement dans la dentelle. L’auteur s’est déchaîné, tout est excessif. Cela m’a rappelé étrangement l’ambiance nauséabonde de la série télévisée American Horror Story qui a fini par me dégoûter dès la première saison. Les têtes sont ici arrachées, les corps sont déchiquetés, le sang jaillit et se déverse telle une crue, les visages torturés se déforment pour se figer dans des expressions d’horreurs putrides. Bref, vous l’aurez compris, les adeptes d’hémoglobines et de gore à outrance seront enchantés et y trouveront sûrement leur compte. Pour ma part, cette bande-dessinée s’est révélée une déception cuisante. Si je l’ai lu d’une traite pour étoffer mon vocabulaire en anglais (le seul point positif de cette lecture puisqu’elle m’aura permis de découvrir de nouvelles expressions idiomatiques et il faut le reconnaître, l’auteur multiplie les jeux de mots jusqu’à friser la saturation), j’ai vraiment détesté cette anthologie dans son intégralité. Les nouvelles sont toutes infâmes, glauques et même franchement malsaines. Je doute de conserver cet exemplaire dans ma bibliothèque. Je n’ai qu’une envie, m’en défaire au plus vite. Il ne présente que peu d’intérêt pour moi et ne se destine finalement qu’à des fans fervents ou collectionneurs passionnés par l’univers de Stephen King. Bof bof… Qu’à cela ne tienne, cette déconvenue littéraire ne m’a en rien découragée pour poursuivre l’aventure du Mois Halloween. L’étrange vie de Nobody Owensde Neil Gaiman semble davantage me convenir…
Un dernier mot sur l’encrage de cette bande-dessinée un brin ratée. Bien que le contenu m’ait profondément déçue, il faut bien l’avouer, les illustrations rétros sont en revanche incontestablement belles. Le grain du papier est aussi agréable au toucher. Les éditeurs n’ont, de ce fait, pas lésiné sur la qualité car le livre en lui-même est bel et bien réussi. Toutefois, si les dessins sont soignés, le texte, en comparaison, paraît lui tristement bâclé et s’est révélé plutôt médiocre dans son ensemble. Si vous aimez ce genre de romans graphiques, je vous conseille de lire dans la même veine Les nouvelles aventures de Sabrinaqui est, a contrario, un pur régal, l’horreur y est savamment dosée (à découvrir ici). Et si vous préférez glisser en douceur dans les réjouissances automnales avec une lecture légère truffée de belles images, Pumpkin Heads, une romance gentillette particulièrement mignonne, reste une jolie option de lecture (voir ici). Cette bande-dessinée vous redonnera le sourire.
Première participation au challenge Le mois Halloween.
Et voilà ! L’équinoxe d’automne marquant la transition hivernale a finalement débuté cette semaine pour mon plus grand bonheur ! Les soirées cocooning vont donc pouvoir reprendre tranquillement. Une petite bruine légère s’est d’ailleurs posée délicatement ce matin sur l’herbe de notre jardin et les feuilles des arbres commence à roussir à vue d’œil. Nous avons même fait une jolie flambée dans la cheminée pour faire fuir l’humidité. Je compte donc lancer les réjouissances automnales habituelles (en commençant par les balades en bottes de pluie sur les chemins boueux de campagne et les promenades avec mes chiens en bord de mer, que j’affectionne particulièrement en cette saison). Le challenge, “Le mois Halloween” vient en effet de rempiler officiellement ce week-end pour une treizième année. Je vous souhaite un très bon anniversaire les filles si vous passez par ici ! Et un grand bravo pour ce défi qui je l’espère perdurera encore durant de nombreuses années. Je suis toujours aux anges de pouvoir y participer et je croise les doigts pour avoir suffisamment de temps pour poster quelques billets “monstrueux” et frissonnants de saison. C’est le week-end d’installation. Nous sommes toutes en train de peaufiner nos piles de livres. Je dois dire que la mienne a déjà subi plusieurs modifications. J’ai pioché dans mes cartons un roman de Neil Gaiman qui entrera parfaitement bien dans la thématique du mois.
S’agissant des « familles extraordinaires », mon choix s’est de ce fait porté sur L’étrange vie de Nobody Owens. Une bonne pioche puisque je suis en train de le dévorer alors que je ne l’ai débuté qu’hier dans la soirée. Cette lecture sera rapidement achevée. J’espère pouvoir la chroniquer cette semaine. Suis-je trop optimiste?Lire la suite →
Richard Papen, jeune étudiant boursier, plaque sa Californie natale pour rejoindre l’université de Hampden dans le Vermont. Prêt à tout pour gravir les échelons, il prend la décision d’intégrer la classe privilégiée et originale du professeur Julian dédiée à l’étude des langues mortes, et en particulier du grec ancien et du latin. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de ses camarades, des personnages énigmatiques semblant tout droit sortis d’une œuvre de fiction. Cette rencontre métamorphose Richard, hypnotisé par leur aura magnétique…
Parler de ce roman singulier, un “campus novel” magistral n’est vraiment pas une tâche aisée et il m’a fallu du temps pour le “digérer”. Sa construction narrative m’a en effet de prime abord décontenancée car on sait dès la première page qu’un des personnages principaux a été assassiné par ses camarades de classe, une introduction romanesque surprenante et peu traditionnelle.
L’auteure use et abuse également de prolepses (ces fameux flashbacks en littérature). Et pourtant, malgré ces allers et retours répétés, quelle surprise ! J’ai en effet été happée par l’histoire, envoûtée par cette étrange clique d’étudiants nonchalants aux desseins pour le moins insaisissables ; tout comme par cette étrange atmosphère qui s’en dégage, de livres poussiéreux et de vieilles bâtisses. Comment ne pas penser au fil de la lecture au Cercle des poètes disparus? Impossible que l’auteure ne s’en soit pas inspirée même si l’ambiance est ici particulièrement sombre et malsaine.
Ainsi, bien que le crime soit révélé et avoué dès les premières pages du roman, l’auteure réussit étonnamment à aiguiser l’attention du lecteur qui ne s’amenuise à aucun moment de l’histoire.
La force de Donna Tartt réside dans cette capacité fabuleuse à nous tenir en haleine d’un bout à l’autre du roman, malgré la vérité que le lecteur pense de prime abord déjà connaître. Toutefois, il ne faut jamais se fier aux apparences qui sont souvent trompeuses. Les illusions sont multiples. Peu à peu, des personnalités troubles évoluant dans un univers estudiantin pour le moins glauque se révèlent au lecteur, le précipitant lui aussi, comme son narrateur Richard, dans la spirale d’une machination diabolique et effroyable.
J’ai été fascinée par Hamden, cette université du Vermont isolée aux confins d’une région sauvage et hostile. Cet établissement prestigieux fondé au XIXème siècle et connu pour ses méthodes quelque peu progressistes, attire de jeunes privilégiés volages. Ces protagonistes ne sont jamais attachants. Ils sont à la fois vils, égoïstes et extrêmement malhonnêtes comme du reste le narrateur principal, Richard, qui est prêt à suivre et soutenir corps et âme ses camarades de classe dans n’importe lequel de leurs délires d’illuminés, pour simplement conserver sa place dans un cercle très sélect. Lorsque ce jeune Californien rencontre Francis, Henry et Bunny ainsi que Camilla et Charles, des jumeaux pour le moins ambigus, il ne se doute pas que sa vie ne sera désormais plus la même… Il sera subjugué par leur richesse et leurs privilèges, au point de ne plus pouvoir supporter sa propre condition d’étudiant boursier.
Si tous sont nés une cuillère d’argent dans la bouche, c’est loin d’être le cas du narrateur issu d’un milieu plus modeste. Élevé entre un père propriétaire d’une vulgaire station d’essence et une mère au foyer peu intéressée par sa propre progéniture, Richard a vécu dans un endroit morne et mortifère où les aspirations artistiques et littéraires ont malheureusement peu de place pour prospérer.
Sa bourgade de naissance, un tantinet miteuse et aride qui évoque de vulgaires drive-ins, du béton à foison, des mobiles homes à la peinture écaillée et des températures caniculaires, dénote fortement avec le climat froid et enneigé du Vermont où la nature semble avoir repris ses droits sur l’homme. Au contact de ses amis fortunés, Richard va progressivement s’inventer un passé plus reluisant et se crée une nouvelle identité; mais ses efforts pour gommer toute trace de son milieu social ne rencontreront guère de succès. Il en résulte que cette espèce de caméléon sociétal tente inlassablement de se fondre dans la masse et est toujours spectateur des événements, ce qui parfois peut agacer le lecteur.
Par certains aspects, le personnage de Richard, ce narrateur avide de reconnaissance et toujours attiré par l’argent, m’a rappelé étrangement la personnalité malsaine qu’incarnait Alain Delon dans Plein soleil, d’après une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith (un film que j’ai visionné il y a des années et qui m’avait particulièrement marquée). Quoique prêt à tout pour conserver sa place dans ce petit groupe d’étudiants friqués, il n’en est pas moins victime de ces détails imperceptibles qui le tiennent malgré tout à l’écart du groupe… Il observe, pense comprendre leurs motivations mais finit lui-même par se faire prendre dans sa toile…
Autour de Richard gravite ainsi donc ce groupe mystérieux d’étudiants, des jeunes snobs fortunés qui brûlent la chandelle par les deux bouts, s’abîment dans l’alcool et les drogues, gâchent leur temps à étudier des sujets obscurs qui ne leur serviront jamais à entrer dans la vie active. Ce sont des oisifs qui s’efforcent de vouloir rester en marge de la société en s’isolant volontairement des autres. Ils communiquent en outre dans un langage que seuls eux peuvent comprendre et se passionnent pour des sujets poussiéreux et abstraits… Richard découvrira les fameuses bacchanales, ces rituels religieux de la Rome Antique où l’alcool coule à flot, et au cours desquels les sacrifices humains étaient souvent monnaie courante. On se doute bien que rien de bon ne peut découler de cette fascination étrange pour les célébrations morbides offertes en l’honneur du Dieu Dionysos, la divinité de la vigne et du vin…
Je n’en dirai pas davantage, lisez ce livre ! Ce roman d’une grande noirceur est excellent.
Je n’oublierai pas de si tôt cette clique infâme d’étudiants sans scrupule, imbus d’eux-mêmes et d’une condescendance crasse, qui m’a complètement envoûtée : Bunny, le golden boy aux poches toujours trouées, Francis, le bel homosexuel aux allures de dandy qui rappelle étrangement le séduisant Percy Bysshe Shelley, Camilla et Charles, les deux amants maudits, frère et sœur de sang mais âmes sœurs de cœur et Henry, cet intellectuel taciturne à la personnalité insondable. La perversité de leur esprit m’a parfois choquée. Le meurtre de sang froid de leur camarade de classe ne les touche en rien car leur égoïsme dépasse l’entendement.
Pour conclure, cette œuvre d’une grande noirceur s’est révélée fabuleuse et m’a impressionnée. Si elle a été souvent estampillée dans la catégorie du thriller, elle ne devrait en aucun cas se limiter à ce seul genre littéraire. A la fois un roman à suspens, une satire sociale et un roman policier, Le maître des illusions est un roman cruel et dérangeant sur la manipulation, une sorte d’ovni qui possède un pouvoir électrisant sur le lecteur. La romancière retranscrit en outre avec maestria l’existence de ces étudiants qui portent en eux le fameux “fatum”, la marque du destin immuable. J’ai adoré les références multiples à la tragédie grecque. Ce livre décrit aussi merveilleusement bien le décor du Vermont qu’il s’agisse de dépeindre la campagne, la forêt, les vieilles demeures familiales que Richard découvre avec ses étranges amis ou encore le campus presque anachronique. C’est certain, je relirai ce roman avec plaisir, il m’a captivée.
Un dernier mot sur le contexte d’écriture du roman : Donna Tartt, romancière américaine, n’avait que 29 ans lors de la première publication de ce chef-d’œuvre, un roman devenu aujourd’hui culte. Elle aurait consacré dix ans d’écriture et de recherche avant de le publier en 1992, un sacré travail d’orfèvre ! Sa plume est d’ailleurs remarquable, son style fluide et limpide. Il s’en dégage un certain lyrisme. Je doute que le roman puisse un jour être adapté pour le grand écran, il serait impossible de retranscrire l’essence du livre à la télévision.
Enfin, j’ai découvert à l’occasion de cette lecture formidable, le style Dark Academia, une esthétique originale que j’adore. Je ne connaissais pour ainsi dire rien de cette tendance qui apparemment est devenue, comme le Cottage Core, un véritable mode de vie. Il semble vouloir mêler la découverte de soi et la quête du savoir. Les tenues vestimentaires inspirées de cette ambiance font d’ailleurs légion sur les tableaux Pinterest car il est facile de les reproduire. Je suis incontestablement fan du genre !
La bande-annonce de Plein Soleilavec Alain Delon:
Et une vidéo géniale de fan fiction excellente sur Le maître des illusions de la chaîne Ahu Sunrise :
Après un retour de vacances sur les chapeaux de roue, me voilà à nouveau fin prête à retrouver mes activités bloguesques habituelles. Je prends petit à petit mes marques dans mon nouveau poste au lycée et je commence à m’habituer à l’idée que ma fille n’est désormais plus un bébé puisqu’elle a fait cette année sa toute première rentrée! J’ai a contrario davantage de temps pour lire et écrire, ce qui n’est pas une si mauvaise chose me direz-vous (plus d’excuses!). Septembre étant déjà bien entamé, j’ai eu l’envie irrésistible de me tourner vers des lectures de saison. D’autant plus que le Mois Halloween est sur le point de reprendre, le manoir hanté va ouvrir une fois de plus ses portes (je l’ai attendu avec impatience!). Ce rendez-vous littéraire très cosy reste incontestablement mon préféré et contribue toujours à rendre mes automnes normands magiques et festifs. Hâte de connaître le nouveau programme que nous ont concocté les filles!
J’ai également fait le tri dans ma bibliothèque pour choisir une pile de livres (il y a peu de chance pour que je m’y tienne) pour le Pumpkin Autumn challenge qui dure plus de trois mois et auquel je participe comme toujours humblement (ce ne sont pas les envies qui manquent!). J’ai décidé cette fois-ci d’y ajouter plus de lectures détentes et de titres en anglais. Il ne me reste plus qu’à les classer selon les menus proposés.
Pour plus d’infos concernant Le Pumpkin Autumn Challenge, c’est par ici! Voici les thématiques proposées par Louet Hilde pour ce nouveau défi:
Si les premiers frimas se font encore timides (hier, on a tout de même frôlé les 30°C en Normandie), j’ai déjà préparé ma petite panoplie automnale: mon plaid couleur citrouille et mes bougies aromatisées (de préférence à la cannelle) sont déjà installées sur le divan et la table basse du salon, quant à mes vestes en velours côtelé, mes jupes au motif tartan, mes pulls aux couleurs ocres tout comme mes chaussettes fourrées, ils attendent tous sagement que je puisse les exhumer de l’armoire (pour les épaisseurs, on patientera!) … Enfin, il ne faut pas désespérer, les feuilles des arbres rougissent et la luminosité baisse progressivement le soir. Il me tarde de voir désormais les journées se rafraîchir et les feux de cheminées reprendre. En attendant, j’apprécie pleinement cet étrange été indien.
Nous avons pour le moment bricolé un cinéma en plein air dans le jardin et pourrons, je l’espère, en profiter jusqu’à fin octobre pour organiser notamment une soirée spéciale Halloween et un marathon Hocus Pocus afin de célébrer la sortie sur Disney+ de la suite des aventures des sœurs Sanderson. Presque trente ans séparent les deux films! J’ai hâte de voir le résultat. Netflix a d’ailleurs prévu une saison Spooky nights particulièrement alléchante! Voici la bande-annonce de Hocus Pocus 2:
En attendant le début des festivités du Mois Halloween (toutes les infos par ici pour y participer), je patiente sagement en décorant ma demeure et en repérant quelques tutos bricos et cuisine bien sympathiques pour accueillir dignement cette nouvelle saison. Je vous conseille la chaîne de Darling Desiqui est un puits d’inspiration pour se mettre dans l’ambiance, sa dernière vidéo vient de sortir aujourd’hui, vous pouvez la visionner ici. C’est un régal! Le blog devrait aussi s’affilier au Mois Halloween dans le cadre du Challenge Cottage Core. Je compte donc proposer également cette année des billets qui j’espère seront plus réguliers. Je vous retrouve très prochainement pour vous partager mon avis sur un roman insolite et particulièrement sombre, à l’atmosphère très Dark Academia, une lecture idéale pour introduire cette nouvelle transition saisonnière (devinerez-vous lequel?). Je vous partage aussi une petite chanson entêtante du Rocky Horror Show réinterprétée par les membres du Glee Club qui reflète parfaitement mon humeur du moment! Je suis surexcitée!
Une professeure installée dans une petite bourgade française, à la campagne, se remémore les années passées à l’autre bout du globe lorsqu’elle vivait à Madagascar.
Ellen, jeune enseignante française, noue à son arrivée sur l’île un lien d’amitié avec ses deux voisins malgaches, Jonas, un petit garçon attendrissant et son père, un dentiste renfrogné et torturé. Sans pouvoir résister, la jeune trentenaire s’amourache d’eux au point de les adopter, et ce, malgré les avertissements répétés de son entourage qui ne voit pas d’un bon œil cet attachement croissant. Trop tard, la voilà complètement sous le charme de cet étrange duo, comme envoûtée. Quels terribles secrets hantent le père toujours taciturne et peu présent pour son fils ? Pourquoi ce petit garçon n’a-t-il pas de mère pour s’occuper de lui?
Sans se soucier de la barrière culturelle ni des qu’en dira-t-on, la narratrice se dévoue pourtant corps et âmes à sa nouvelle famille et en particulier à Jonas, devenu au fil du temps son fils de cœur, au risque de se perdre pour de bon…
J’ai découvert par hasard ce roman doux-amer après avoir lu un article du Ouest France consacré à l’auteure. Ayant été à plusieurs reprises à Madagascar et ayant une mère métisse, ce roman nostalgique ne pouvait que me plaire. Je l’ai d’ailleurs lu quasiment d’une traite, emportée par l’histoire qui a fait étrangement resurgir chez moi une certaine nostalgie de mon enfance et des souvenirs que je pensais depuis longtemps oubliés. Je me suis ainsi souvenue en particulier d’un Noël à Tananarive (la capitale) un tantinet tristounet car ma sœur et moi étions petites filles et avions dû passer le réveillon sous les tropiques. Nous n’avions pas vraiment imaginé la chance que nous avions alors à cette époque tandis que devant notre porte des petits enfants de notre âge faisaient l’aumône pour survivre tant bien que mal à l’enfer de leur quotidien… Les magasins étant peu fournis, un sapin minuscule chinois en plastique d’un vert douteux et quelque peu miteux avait été installé dans notre chambre pour improviser un semblant de festivités. Ma soeur et moi avions eu toutes les deux un peu le coeur gros en découvrant nos cadeaux, (un lapin multicolore en peluche, aux couleurs criardes pour chacune, et un petit sac en osier typiquement malgache) mais en allant nous promener au Zoma (le grand marché en plein air de la capitale), nous avions réalisé à notre échelle d’enfant la chance que nous avions d’être choyés et aimés. Ces cadeaux nous les avons conservés très longtemps (la peluche trône désormais sur le lit de ma fille). Bien entendu, nous étions loin d’être des “Cosettes” malheureuses et négligées car à notre retour en France, les cadeaux s’étaient amoncelés jusque dans le corridor de la maison de mes grand-parents, et un foyer douillet nous attendait sagement. Il est curieux de repenser à ce souvenir flou, 25 ans plus tard… C’est ce beau roman bouleversant qui a fait resurgir cet instant du passé car il se focalise avant tout sur l’enfance et en particulier sur celle de Jonas, un enfant malgache laissé pour compte, né dans la mauvaise famille et sans doute au mauvais endroit…
Ancien cliché anonyme du Zoma
La narratrice de ce roman, hantée par les fantômes de son triste passé et la disparition funeste de son enfant, tente inlassablement de faire son deuil… Elle erre comme une âme en peine dans sa maison de campagne et y mène une vie particulièrement morne et solitaire. A la manière de Nathalie Sarraute, l’auteur emploie les fameux tropismes, une image, une odeur, un bruit faisant écho à un souvenir lointain. J’ai aimé cette façon d’évoquer le passé comme pour tenter de coucher sur le papier cette mélancolie qui ne l’a plus quittée depuis son départ de Madagascar.
En dépit des thèmes abordés particulièrement sombres, j’ai également apprécié dans ce chaos d’existences torturées, la plume lumineuse et évocatrice de l’auteure. La romancière fait revivre Madagascar tel que je l’ai connu durant mon enfance. Ce pays est à la fois sublime et effroyable car si les paysages sont somptueux, la misère règne malheureusement toujours sans partage sur l’île.
La narratrice est en outre extrêmement touchante de sincérité. Si l’auteure affirme ne pas avoir succombé à l’attrait du roman autobiographique, nul doute que certains passages ont dû véritablement se produire car au fond, cette histoire est finalement assez commune pour ceux qui connaissent bien Mada, la Grande Île. Les drames humains font malheureusement partie du quotidien des Malgaches. La mélancolie de l’auteure transpire ainsi donc malgré tout à chaque page. On sent bien que cette dernière a souffert en laissant derrière elle une part d’elle-même dans ce pays. Je connais ce sentiment de vague à l’âme caractéristique des anciens expatriés ayant moi-même vécu trois ans au Zimbabwe durant mon adolescence. L’auteure a vécu six ans dans un pays tropical à l’autre bout du monde, c’est une sacrée tranche de vie, suffisante pour dépayser n’importe quelle personne. Cette parenthèse, elle a sûrement dû la vivre intensément la sachant éphémère.
Si ce petit roman est tout bonnement magnifique, je dois le reconnaître, il s’est révélé parfois particulièrement plombant car on sent dès les premières pages la tragédie se profiler, même si on espère tout de même un échappatoire pour les protagonistes de ce drame. Malheureusement, la vérité dans toute sa laideur prend inexorablement le dessus, Madagascar semble désormais un territoire en perdition, une île de cauchemar à la dérive, au large de l’Afrique…
J’aurais aimé percevoir une infime lueur d’espoir dans ce climat asphyxiant. J’ai eu en effet l’impression de lire ce roman en apnée, et l’ai achevé le ventre noué et les yeux rougis par les larmes.
Le dénouement du roman est assez dur et amer car le lecteur ne peut que constater le fossé qui sépare les deux cultures. Ellen, la narratrice, a cru comprendre la mentalité du pays, ou du moins s’en être imprégnée ; elle pensait en effet pouvoir soustraire cette petite famille à l’attraction néfaste de son milieu ethnique et culturel en imposant malgré elle sa vision occidentale, sans grand succès. La mentalité malgache lui demeurera insaisissable.
Le passage marquant où le petit Jonas tend la main à Ellen, sa protégée, comme pour faire l’aumône afin d’obtenir une poignée de bonbons, résume parfaitement l’essence du roman. La vision de l’auteure à cet instant précis semble bien pessimiste. Le pays étant condamné, aucun espoir ne semble possible ; le petit Jonas est lui-même imprégné du fatalisme malgache, et de cette inertie qui semble toujours inexorablement caractériser la société malgache. Jonas choisit instinctivement la facilité pour obtenir un plaisir immédiat (mais est-ce vraiment sa faute?) ou peut-être sent-il déjà qu’il ne peut espérer mieux et appréhende dans son esprit d’enfant la destinée malheureuse à laquelle il ne pourra échapper.
J’ai aussi repensé le coeur au bord des lèvres à cette scène d’une tristesse désespérante où Ellen observe du coin de l’œil les enfants du tunnel, ces enfants de Tana, livrés à leur propre sort et couverts de haillons qui attendent patiemment et avec appréhension, la peur et la faim au ventre, que quelqu’un vienne les soustraire à leur sort, en vain…
Cette scène émouvante rappelle étrangement la misère effroyable dépeinte par Victor Hugo dans Les Misérables. Madagascar, une île en apparence paradisiaque se révèle finalement un véritable enfer sur terre pour ses habitants. C’est ainsi que l’auteure décrit l’existence glauque des domestiques employés chez les blancs, et qui évoluent comme des ombres en vivant dans des bouges insalubres sans eau ni électricité. On y croise également au détour d’une page de vieux blancs rubiconds qui s’offrent les faveurs de jeunes malgaches pré-pubères au physique androgyne. Ecoeurant. L’auteur parvient avec maestria à restituer cette atmosphère presque hors du temps qui caractérise si bien la vie des expatriés sous les tropiques. Tandis qu’ils sirotent du champagne hors de prix, les Malgaches s’entretuent pour une bouchée de pain ou une poignée de riz…
Madagascar semble désormais se métamorphoser peu à peu en une gigantesque décharge humaine. Et ce roman dépeint avec acuité un échantillon de cette humanité déchue, comme ce portrait finalement peu reluisant de cette enseignante qui elle aussi s’est un temps grisée de cette atmosphère exotique en s’encanaillant avec un médecin malgache instable qui a su profiter de son argent et du confort qu’elle pouvait temporairement lui fournir. D’origine malgache, si j’ai entrevu cette misère humaine infâme, je n’ai fort heureusement pas connu directement cette souffrance, alors que ma grand-mère et ma mère l’ont en revanche subies dans leur jeunesse de plein fouet . Elles ont d’ailleurs quitté l’île rouge pour cette raison.
Le poids des castes n’est pas en reste dans cette misère humaine. De sang royal, le père de Jonas est ainsi la victime de discrimination sociale et ce malgré sa nationalité malgache. Comme j’ai détesté la lâcheté de ce personnage. Ce dernier prend un malin plaisir à voir et à faire souffrir son propre fils qui est pourtant la chair de sa chair. Comment peut-on se comporter de la sorte? Incompréhensible.
Sans œillères, l’écrivaine dépeint un pays d’opportunisme et de désolation affaibli par la corruption, la famine et la misère qui la gangrènent. Le peuple malgache survit à peine dans ce chaos en vendant aussi aux touristes de passage une part de rêve chimérique pour dissimuler leur triste réalité.
En bref : ce roman sombre et poignant m’a bouleversée. L’amour que porte Ellen à Jonas, un amour qui transcende le sang, m’a remuée. Je doute de pouvoir oublier de sitôt ce personnage. Rien que d’y penser, j’en ai encore les larmes aux yeux. Ellen nous relate avec une grande pudeur sa rencontre mémorable avec son petit voisin malgache, un attachement profond qui la hantera toute sa vie.
Un dernier mot sur l’auteure : j’ai eu la chance et le plaisir de converser autour d’une tasse de thé avec la romancière. Nous avons pu remonter le Mékong et évoquer nos impressions sur Madagascar. J’ai adoré cet entretien (le début peut-être d’une grande amitié). Nous devons nous revoir à l’occasion du rendez-vous de mon Book club en septembre pour le thème mensuel consacré aux îles. Mes copines se sont également lancées dans la lecture de ce roman afin que nous puissions échanger nos ressentis le mois prochain. Cela promet de longues conversations passionnantes et enrichissantes. J’aimerais à présent me plonger dans la saga africaine Racines que l’auteur évoque au fil des pages, et dans le roman Zébu boy qui traite en particulier de la grande révolte de 1947 à Madagascar.
Pour lire l’article du Ouest France en entier, c’est ici!
Et pour ceux qui souhaiteraient découvrir Madagascar, voici une lecture plus légère bien qu’un brin superficielle pour les jeunes (mon billet ici!).
L’adaptation cinématographique de ce magnifique roman sortira en salle le 17 août prochain! Le film est produit par Reese Witherspoon et d’après les premières critiques, c’est un petit bijou! Avez-vous lu le roman et avez-vous aimé? Hâte de connaître votre avis et de pouvoir enfin voir le résultat sur grand écran! Pensez-vous vous déplacer pour le voir ou préférez-vous attendre sa sortie en DVD? En attendant voici mon billet consacré au livre ici et pour visionner la bande-annonce du film c’est par là :
Non loin d’une petite bourgade de Caroline du Nord, une jeune femme surnommée Kya a vécu seule depuis son enfance tumultueuse dans les marais de Barkley Cove. De nombreuses rumeurs se sont développées à son sujet, donnant naissance également à quelques préjugés. Celle que l’on surnomme “la fille des marais” aurait été une petite sauvageonne illettrée incapable de s’exprimer correctement. Pourtant, Kya est bien plus que cela. A l’âge de dix ans, la pauvre petite fille, démunie, se retrouve abandonnée de tous et n’a d’autre choix que d’apprendre à se débrouiller seule dans les marais fangeux pour subvenir à ses propres besoins. Cet endroit, de prime abord hostile, deviendra peu à peu un refuge, loin des habitants mesquins et intolérants toujours prompts à l’accabler de tous les maux.
Une éclaircie semble poindre dans ce décor triste lorsqu’à l’aube de son adolescence, la jeune femme croise finalement la route de Tate…
Années 2000: Kitty Fisher, une jeune Anglaise trentenaire un peu paumée, prend la décision de se réfugier aux Etats-Unis pour apaiser sa peine de coeur après avoir découvert l’infidélité de son époux. Elle s’installe dans un chalet vétuste sur les rives du lac Akan Abee (État de New-York) pour pouvoir le rénover. Cette vieille bicoque aurait en effet appartenu à son arrière-grand-père, écrivain renommé. Alors que les travaux battent leur plein, Kitty découvre dans le bâtiment un bijou splendide qui lui révélera un secret étonnant sur les origines de sa famille, et l’aidera peut-être à faire le point sur sa propre vie.
Année 1914 : les empires russes et allemands sont en guerre et un renversement du gouvernement semble imminent. Tandis que les membres de la famille Romanov s’apprêtent à vivre leurs derniers instants de gloire, la grande-duchesse Tatiana, encore insouciante et infirmière volontaire auprès des blessés, tombe éperdument amoureuse de Dimitri, un jeune officier de cavalerie. Mais le futur qui les attend n’est nullement en leur faveur. L’amour qui les lie résistera-t-il aux épreuves du temps et à la terrible malédiction des Romanov qui plane sur eux?
Prise récemment d’une frénésie de lecture, je n’ai pas cessé de fouiller dans ma bibliothèque en quête de nouveaux trésors littéraires. C’est en furetant dans ma pile de livres que je suis tombée sur cette bonne pioche, un roman historique sur des secrets de famille comme je les affectionne, pour entremêler constamment le passé et le présent. J’ai enfin compris pourquoi ce livre prenait la poussière sur mes étagères depuis près de trois ans, le titre en effet y était pour quelque chose ; Des jours et des vies me faisait penser à ce feuilleton américain aux accents de Barbara Cartland, extrêmement niais. Il est incompréhensible que l’éditeur ait choisi un tel titre devenu aujourd’hui un cliché, alors que The secret wife (L’épouse secrète), convenait pourtant parfaitement bien. Pourquoi les éditions Charleston n’ont-elles pas conservé la traduction originale? Cela dessert à mon sens l’œuvre de Gill Paul. Un choix hasardeux !
Ce livre aurait en effet mérité une meilleure communication car sa thématique n’est pas dénuée d’intérêt, relatant avec brio la tragédie effroyable de la famille des Romanov, un sujet glaçant bien que fascinant. Gill Paul se focalise plus particulièrement sur la destinée de l’une des filles du Tsar, la ravissante Tatiana Nikolaïevna, qui tout comme sa sœur cadette Anastasia, nourrit encore aujourd’hui de nombreux fantasmes. Auraient-elles toutes deux réussi à échapper à la fin tragique des Romanov?
La famille impériale russe (cliché de 1913)
L’auteur a donc choisi d’imaginer les zones d’ombres liées à cet événement en reconstituant une correspondance clandestine imaginaire entre l’officier de cavalerie Dimitri et Tatiana, la fille du dernier Tsar Nicolas II.
A travers cette fiction romanesque plutôt réussie, le lecteur découvre les coulisses de la vie de la famille impériale russe à la veille de la Révolution de février 1917 (qui mènera à l’abdication du Tsar et à la chute de la dynastie impériale russe) et de celle d’octobre 1917 (qui renversera pour de bon le régime tsariste de Russie et annoncera la prise de pouvoir officielle des bolcheviks). L’existence de cette famille royale était somme toute paisible et d’une naïveté déconcertante. Le tsar lui-même était finalement peu en phase avec la réalité, c’est-à-dire l’insatisfaction grandissante d’un peuple russe affamé et désespéré par les défaites subies depuis 1914. Pieux et pour le moins crédule, Nicolas II n’avait ni l’étoffe d’un combattant et encore moins celle d’un grand dirigeant, naviguant ainsi avec difficulté dans les eaux troubles de la diplomatie. A la veille de l’insurrection, le clan des Romanov pensait échapper aux rebelles pour se réfugier en Angleterre mais, hélas, aucune aide diplomatique ne leur sera réellement fournie. Abandonnés de tous, les Romanov périrent sous les balles et les baïonnettes des soldats russes.
Si j’ai été happée par la dimension historique du récit, je dois cependant avouer avoir trouvé l’histoire moderne un tantinet bancale et peu intéressante en comparaison de la trame principale. Il semble qu’elle ne soit finalement qu’un simple prétexte pour introduire le fameux journal intime de Tatiana qui révélera peu à peu l’horreur et la déchéance de cette lignée maudite. Le personnage de Dimitri, protagoniste hautement romantique mais acteur impuissant de ce drame, est très attachant. Néanmoins, j’ai moyennement apprécié son évolution dans la seconde partie du livre. Parfois trop indécis et tiraillé entre son attirance charnelle pour son épouse et l’amour indéfectible qu’il ressent pour la belle Tatiana, Dimitri choisit la facilité en commettant l’adultère, une tromperie qui durera de nombreuses années sans véritablement perturber notre “héros” masculin…
La partie consacrée aussi à la fuite de Dimitri en Allemagne après la rébellion russe m’a par ailleurs parfois peu convaincue. La romancière fait renaître un Berlin fantasmé en survolant au passage les années glorieuses de la comédie burlesque très inspirée de Cabaret. On y découvre une culture allemande prônant davantage l’amour libre et insouciant, une vision très moderne qui désarçonne le héros Dimitri car elle diffère grandement des coutumes russes. Ce passage semble simplement permettre l’introduction d’un nouveau personnage féminin.
Tatiana Nikolaïevna (1897-1918)
Enfin, l’héroïne Tatiana manque cruellement de profondeur, demeurant d’un bout à l’autre du roman une figure éthérée insaisissable et mystérieuse comme si elle appartenait presque au domaine du songe, ce qui ne permet pas de réellement s’attacher à sa personnalité.
Un dernier mot sur Raspoutine qui aurait porté le coup de grâce au Romanov en ternissant un peu plus leur réputation et en précipitant la chute de cette dynastie déjà moribonde : J’aurais aimé en apprendre davantage sur le personnage de Raspoutine, cet ange déchu que l’on prénommait avec effroi “le moine fou” et qui fut assassiné en 1916 par des aristocrates russes. Le livre effleure à peine sa responsabilité dans l’affaire alors que le personnage est pourtant toujours présent en filigrane dans la correspondance de Tatiana et de Dimitri. A ma grande surprise, j’ai découvert que Raspoutine n’était ni vieux ni sénile comme il était souvent portraituré par l’imaginaire collectif mais au contraire, jeune, séduisant et décadent. Cette réalité saisissante de ce mystérieux intrigant s’écarte totalement de la vision grotesque et caricaturale dépeinte par les studios Fox animation dans le célèbre dessin-animé Anastasia. Raspoutine, un paysan russe aux pouvoirs mystiques supposés était cependant bel et bien perçu par le peuple russe comme l’antéchrist, un démon incarné. La chanson de Boney M, Rasputin, (à écouter ici) est ironiquement proche de la réalité. Subjuguée par son charme ensorcelant et ses fameux dons de guérison, la tsarine Alexandra Fedorovna se serait entichée de lui et en aurait fait son amant (même si cette rumeur est encore réfutée officiellement aujourd’hui)… Une correspondance plutôt compromettante entre eux aurait été détruite avant la disparition de la lignée Romanov pour ne pas attiser davantage la haine du peuple et des nobles qui voyaient son influence d’un mauvais œil. Raspoutine aurait ainsi profité de la timidité maladive de l’impératrice pour s’immiscer dans les affaires du palais. Il devint également le guérisseur officiel de la famille. Il aurait d’ailleurs réussi à soigner son fils, Alexis, qui souffrait d’hémophilie, une maladie dégénérative génétique souvent renforcée par la consanguinité. (Le roman de Raspoutine de Vladimir Fédorovski me tente grandement pour approfondir ce sujet)…
J’aurais aussi voulu en savoir plus sur cette fameuse Alexandra Feodorovna, la dernière impératrice de Russie, mère de Tatiana et petite-fille favorite de la reine Victoria. Son personnage aurait été bien plus intéressant à traiter car il demeure encore aujourd’hui assez complexe. Qui était-elle vraiment?
Pour conclure, en dépit de quelques invraisemblances,cette lecture fut tout de même très enrichissante et passionnante. Même si l’on connaît d’emblée le dénouement tragique de cette histoire désespérante, le récit est malgré tout bouleversant et quand bien même l’auteur tisse une fiction parfois un brin trop fantasmée, le lecteur se laisse prendre au jeu malgré lui.
Mon souvenir le plus marquant de ce roman reste la captivité des Romanov qui est effroyable car l’on sait pertinemment bien qu’ils ne seront jamais libérés. J’en avais les larmes aux yeux. Ce passage m’a retourné l’estomac.
J’ai désormais très envie de visionner dans la foulée le film Rasputin dark servant of destiny de 1996 quand j’aurais réussi à mettre la main dessus. Ce biopic très controversé est apparemment brillant. Alan Rickman y interprète un personnage infâme, noceur, alcoolique et diabolique néanmoins séduisant. Pour ma part, le regard fou presque habité de ce grand acteur m’a convaincue après avoir visionné cette bande-annonce épique :
Je compte aussi revoir Anastasia, ce magnifique dessin-animé sorti en 1997 et qui a bercé mon enfance.
Il y a quelques jours, la plateforme Netflix, surfant sur le petit succès des Chroniques de Bridgerton (une série pseudo-historique qui a provoqué un regain d’intérêt pour le period drama), a cette fois-ci décidé de s’attaquer à un monument de la littérature britannique du XIXème siècle, Persuasion, un roman posthume de Jane Austen. A l’annonce de cette énième adaptation austenienne, j’étais initialement réticente à la visionner (était-ce vraiment nécessaire d’en produire une nouvelle alors qu’une brillante adaptation avait déjà vu le jour en 2007?), puis finalement heureuse et enthousiaste qu’un film soit consacré à Anne Eliott, un personnage féminin fabuleux et une héroïne touchante malgré ses principales faiblesses: son caractère parfois trop influençable et ce tempérament introverti qui la mènera à éconduire l’homme qu’elle aime…
Anne, persuadée par sa famille qu’il ne convient pas à son rang commettra une erreur stupide de jeunesse qu’elle regrettera encore huit ans plus tard lorsque ce même prétendant se présentera à nouveau sur son chemin. Wentworth désormais capitaine de la marine anglaise est devenu un parti enviable pour les jeunes filles aisées de bonne famille. Quant à Anne, elle n’est toujours pas mariée et s’est retrouvée sans le sou à la suite d’un revers de fortune. Parviendra-t-elle de ce fait, avec si peu d’atouts, à se faire à nouveau aimer de Wentworth? Comment pourra-t-elle à présent gagner son cœur?
A peine sortie sur Netflix, cette adaptation a déjà réussi à faire polémique. La toile s’est d’ailleurs enflammée et en particulier chez les janéites provoquant parfois des échanges quelque peu musclés. Gardons tout de même notre calme, chacun est libre de ses opinions. Les avis sont d’ailleurs assez tranchés. Soit cette adaptation a plu à un certain nombre d’internautes qui n’ont vu en elle qu’une comédie romantique rafraîchissante et plutôt gentillette, rien de plus ; soit, celle-ci a été au contraire détestée catégoriquement car elle pervertit, selon les fans, l’œuvre originale de Jane Austen… Ainsi donc, j’ai eu moi aussi l’envie de vous livrer mon ressenti, sans bien entendu aucune objectivité! A bon entendeur!
Je dois l’avouer sans détour, je fais partie de la seconde catégorie. J’ai profondément détesté le nouveau Persuasion. Mon sang n’a fait qu’un tour quand, dès les premières minutes du film, Dakota Johnson (bien trop belle pour le rôle… ) s’adresse directement à la caméra pour expliquer la scène qui se déroule pourtant sous les yeux du spectateur, un choix scénaristique qui m’a donné l’impression désagréable de suivre une histoire faite de carton-pâte et d’être prise pour une parfaite imbécile. Je pensais que les incursions seraient savamment dosées et apporteraient une profondeur psychologique à l’héroïne du film, or il n’en est rien. Ses monologues sont bavards et souvent inutiles voire même ridicules. Anne Eliott n’égrène que des platitudes et s’exprime le plus souvent comme une adolescente attardée. Les dialogues sont d’ailleurs d’une nullité rare tout comme le langage anachronique bizarre et dissonant qu’emploient les protagonistes (l’exemple le plus frappant: “nous sommes pires que des “ex”, nous sommes des amis” sic).
Si le film est d’un point de vue visuel incontestablement beau, qu’il s’agisse des décors comme des costumes, il propose néanmoins une reconstitution historique fantasmée. Au delà du wokisme dégoulinant qui s’en dégage (je ne m’attarderai pas sur cet aspect qui fait désormais partie des cases à cocher pour produire un film, RIP les productions historiques somptueuses et fidèles), cela m’a fait penser aux vidéos Cottage Core à l’esthétisme soigné que j’adore regarder pour me détendre sur Youtube. Des jeunes filles/femmes aux allures de nymphes égarées se mettent en scène, prenant des pauses suaves sur des nappes de pique-niques tout en étant habillées de tenues d’inspiration vintage …
Un exemple parmi tant d’autres, les vidéos de Darling Desi (sa chaîne ici) que j’affectionne tout particulièrement (mon petit péché mignon). Seulement, est-ce vraiment ce qu’on attend de Netflix, nous proposer un film qui ressemble à une pub de parfum ou à un vlog d’influençeuse? (pourquoi pas un tutorial beauté Anne Eliott tant qu’on y est) Pour ma part, voir Dakota Johnson prendre la pause avec un petit lapin dans les bras (parce que cela fait mignon, hein!) en faisant l’amour à la caméra, (Anastacia Steel sort de ce corps) très peu pour moi.
Et que dire de la personnalité d’Anne Eliott à l’écran? Si Dakota Johnson est indiscutablement sublime, son personnage n’est pas pour autant attachant. L’héroïne transposée en femme moderne est devenue une célibataire blasée et condescendante qui méprise sous cape sa propre famille. Elle n’a du reste aucune classe. Toute l’histoire est perçue par son prisme impitoyable. Lorsqu’elle évoque ses proches, ses sœurs ne sont à ses yeux que des idiotes mesquines et narcissiques (dit Anne qui parle constamment à la caméra en prenant la pose…) tout comme son père apparemment dont la principale activité est de dilapider le peu de fortune qui lui reste en fanfreluches… Anne se présente ainsi avec une fausse modestie comme étant le vilain petit canard de la famille, l’enfant mal aimé, dont personne ne se soucie.
La scène d’introduction du clan Eliott est en outre complètement grotesque. Dakota Johnson se trouve souvent assise sur le divan, toujours située au centre et écrasée entre les membres de sa famille… Bien évidemment ces dernières sont des blondes éthérées et un brin tartignoles, en comparaison de Dakota Johnson, l’actrice, à la chevelure sombre et au teint de poupée de porcelaine. On a du mal à imaginer qu’elle ne soit pas la plus courtisée des trois. Anne éclipse incontestablement par sa beauté ses sœurs. Comment se fait-il qu’elle soit dès lors restée célibataire si longtemps? Impensable. Et quant au Capitaine Wentworth, pourtant militaire, sa mine est toujours débraillée et il n’est d’ailleurs jamais rasé. L’acteur est malheureusement dépourvu de tout charisme… Par contre, c’est un homme au grand cœur puisqu’il défend les baleines… Pour vanter ses qualités, une amie d’Anne évoque, l’œil brillant, un épisode mémorable où le capitaine aurait dévié la trajectoire de sa propre flottille pour amarrer une baleine échouée sur une plage et la sauver d’une mort certaine… Du grand n’importe quoi… Encore une case cochée, Greenpeace doit être satisfait.
Les choix absurdes scénaristiques sont de ce fait multiples. La réalisatrice s’en est donné à cœur joie pour innover. On a le droit à des plans moches où Anne se déculotte derrière un tronc d’arbre pour faire ses besoins (façon Emma, autre adaptation ratée et assez vilaine de Jane Austen disponible sur Netflix, mon billetici), où elle se met sans raison à faire la planche dans la mer toute habillée (un clin d’oeil au t-shirt mouillé de Darcy?), où elle picole comme une pocharde et se met à meugler comme une poissonnière, le nom de son ancien amant à la fenêtre pour attirer son attention (Frederiiick!) et où elle avoue même avec une certaine pointe de fierté devant une tablée entière que le mari de sa sœur en pinçait d’abord pour elle avant de se résoudre à épouser cette dernière en second choix (quelle punaise!)… Bref, c’est le pompon.
En voyant ce film, je me suis demandée si la réalisatrice avait seulement pris la peine de lire le roman original? A croire qu’elle s’est procurée un exemplaire du fameux Jane Austen pour les nuls pour concevoir son scénario brouillon. Mais ce n’est pas tant cette multitude de choix scénaristiques complètement foutraques et absurdes qui m’a le plus gênée, non, c’est la trahison de l’essence même de l’œuvre de Jane Austen. J’ai lu d’après certaines critiques que la romancière aurait ri aux éclats en visionnant cette nouvelle adaptation oh combien “originale et avant-gardiste”. Qu’en savons-nous vraiment? Pour ma part, j’en doute, à l’heure qu’il est, l’auteure doit sûrement se retourner dans sa tombe à la manière d’une centrifugeuse…
A mon sens, Persuasionreste le roman le plus mature de Jane Austen (j’en parle ici) car c’est dans cette œuvre sublime et bouleversante que l’auteure a mis le plus d’elle-même. Ce livre qui évoque les rendez-vous manqués a d’ailleurs été écrit à la fin de sa vie. Anne, c’est un peu Jane qui imagine ce que sa destinée aurait été si elle avait eu une seconde chance d’accepter la proposition de son fiancé, cet amant qu’elle a finalement déserté. Je repense à ce superbe biopic, Becoming Jane, relatant avec brio son destin d’écrivaine et son grand amour avorté (sortez les mouchoirs, ce film est une petite merveille). Certes, cette biographie est largement romancée mais pourtant tellement belle et touchante (ma critique ici).
Pour conclure, Persuasion est un petit nanar sans éclat qui m’a profondément ennuyée. La réalisation s’est de plus révélée décevante et grotesque. Cette adaptation qui se voulait sans doute dans l’ère du temps, progressiste et engagée, est en effet une fumisterie. Le film m’a paru bâclé et d’une médiocrité affligeante. Jane Austen était elle-même une féministe avant l’heure, nul besoin dès lors de caricaturer son héroïne en la métamorphosant en une célibataire à la sauce hollywoodienne, vulgaire, méprisante et hautaine pour la rendre plus femme et authentique. Pour moi, tout ceci n’est qu’un féminisme dévoyé. Jane Austen met toujours en valeur des figures féminines conscientes de leur place précaire dans la société. Sa vision sur les femmes est toujours un peu cynique. Ce sont malgré tout à leur manière des héroïnes de papier fortes qui luttent constamment pour s’affirmer et exister dans un monde fait par les hommes et pour les hommes. Dommage que la réalisatrice ne se soit pas penchée davantage sur cet aspect sociétal en mettant en lumière les désillusions de l’héroïne dans le contexte de l’époque victorienne. Anne Elliot, une femme du XIXème siècle, a perdu les feux de sa jeunesse et sait pertinemment bien qu’elle ne peut conquérir le cœur de Wentworth en mettant en avant une beauté déjà passée (si on se réfère au livre original), c’est la finesse de son esprit et son caractère humble qui feront finalement la différence.
Une femme mûre et raisonnable ferait ainsi une bien meilleure épouse qu’une jeune et jolie tête écervelée, ce que semble suggérer l’auteure. L’image grossière presque caricaturale d’une midinette garce et nombrilique que dépeint la réalisatrice ne colle donc pas du tout à la véritable personnalité d’Anne Eliott.
Ce film souligne à mon sens les dangers mercantiles de l’industrie cinématographique actuelle. A force de vouloir sacrifier toujours un peu plus l’art au profit capitaliste en n’hésitant pas à concéder au passage à la pensée wokiste (puisque c’est la tendance), le cinéma est en train de scier la branche sur laquelle il est encore assis. On tourne en rond et on se retrouve avec du Bridgerton “resucé”. La qualité n’est plus au rendez-vous et pondre des films bon marché passablement divertissants et réalisés à la “va comme je te pousse », est devenu la norme. En somme, il ne semble plus exister que des long-métrages prémâchés pour des spectateurs considérés de plus en plus, avec une petite pointe de mépris à peine dissimulée, comme des décérébrés. Cette adaptation en est le parfait exemple.Pourra t-on encore aujourd’hui produire des chefs-d’œuvre du cinéma? En avez-vous d’ailleurs vu ces cinq dernières années? Je repense avec une certaine mélancolie et nostalgie à la superbe adaptation de Raison et sentiments d’Ang Lee et je m’interroge sur la place du cinéma dans la culture occidentale, a t-il encore un avenir? Qu’en pensez-vous? Avez-vous, vous aussi, le même ressenti? Ou avez-vous au contraire apprécié cette nouvelle adaptation austenienne? (dites-le moi dans les commentaires, cela m’intéresse d’en parler avec vous).
En attendant de pouvoir vous parler cette semaine de la nouvelle adaptation de Persuasion sortie hier sur la plate-forme de Netflix et consacrée à l’un des romans les plus sombre et les plus mature de Jane Austen, voici mon avis sur le roman original. Une lecture qui m’avait marquée car elle donnait à réfléchir sur nos choix de vie parfois irréfléchis et les conséquences désastreuses qui peuvent en découler.
« You pierce my soul, I am half agony, half hope. Tell me that I am not too late, that such precious feelings are not gone forever. I offer you myself to you again with a heart even more your own, than when you almost broke it eight years ago. » Capitaine Wentworth.
Persuasion est sans conteste la meilleure oeuvre de Jane Austen. Peu connu du public qui lui préfère Orgueil et Préjugés, Persuasion est l’un des romans posthumes de l’auteur. Jane Austen l’a écrit en 1816 alors qu’elle était gravement malade. C’est le travail le plus abouti qu’elle ait accompli, l’écriture est fluide et bien plus mûre. La psychologie des personnages est plus soignée. Anne Elliot, une jeune femme à la fois absurde du fait de ses choix, et attachante par son regret, est un personnage magnifique. Anne est humble, raisonnable mais influençable aussi car trop inexpérimentée. Cependant on…
L’été s’est bel et bien installé pour mon plus grand bonheur. Il fait ici une chaleur quasi-caniculaire! Je profite donc d’après-midis de farniente pour bouquiner (et cuire) sous ma tonnelle au soleil. J’ai d’ailleurs entrepris la lecture du premier tome d’une saga immersive fabuleuse. Vous raffolez des secrets de famille, des romans historiques et des histoires d’amour presque impossible? Ne cherchez plus, cette fresque romantique est faite pour vous! Il faut bien l’avouer, j’ai toujours eu un petit faible pour les sagas familiales romanesques et cette dernière lecture s’est révélée plutôt satisfaisante de ce point de vue.
Si l’intrigue n’était pourtant pas à première vue hautement haletante, l’ambiance et le contexte historique de l’histoire m’ont finalement convaincue de me plonger dare-dare dans ce premier volet qui se présente avant tout comme un roman d’atmosphère mettant en lumière une famille d’industriels au tournant du début du XXème siècle. Une époque donc annonciatrice d’un futur cataclysme, la première guerre mondiale qui apportera avec elle son lot de malheurs et de deuils ; et la fin d’une ère, celle des privilèges d’une classe sociale de bourgeois qui a bâti sa fortune grâce à la sueur du front de ses ouvriers, exploités parfois jusqu’à l’épuisement…
L’histoire débute en 1913 en Bavière. Le personnage principal, Marie, une jeune orpheline chétive et sans le sou, entre comme femme de cuisine dans la somptueuse demeure des Melzer, une famille détenant l’une des usines de textiles les plus prospère d’Augsbourg. Pendant que Marie tente difficilement de trouver sa nouvelle place au sein des domestiques, à l’étage, on s’affole pour trouver un parti alléchant aux deux filles du maître du logis. Katharina au grand dam de sa sœur aînée Elizabeth, d’une beauté saisissante, est convoitée par de nombreux jeunes hommes. Quant à lui, Paul est peu intéressé par ces frivolités. Après des années infructueuses d’études de droit, le voilà de retour chez lui sans véritable projets de vie. Son père, tyrannique, souhaite le voir un jour reprendre l’empire qu’il a construit de ses propres mains mais l’héritier ne semble pas pour le moment mériter une quelconque promotion au sein de l’entreprise familiale… Qu’importe son nom, il devra se retrousser les manches et convaincre son père s’il souhaite obtenir une place de choix dans l’usine. Lorsque Paul croise le regard de Marie, cette rousse au charme ensorcelant, il fait fi des conventions et tente de la séduire coûte que coûte au risque de se mettre à dos tout le clan Melzer. Marie ne voit pas cette relation d’un bon œil bien qu’elle ne soit pas tout à fait insensible au charme de Paul, mais elle découvrira très vite que cette rencontre est peut-être le fruit du destin qui lui permettra qui sait de démêler enfin l’écheveau de ses origines mystérieuses.
J’ai grandement apprécié cette lecture de détente idéale pour les vacances. Ce roman historique nous transporte dans une Allemagne bercée de romantisme bien qu’elle soit également en plein essor industriel… L’auteur décrit d’ailleurs avec brio une vision poétique romancée de la vie de bohèmes qui se heurte inlassablement à la dure réalité, la laideur triviale de la mécanique de machines de textiles. Katharina (Kitty), l’une des filles Melzer qui nouera une relation amicale avec Marie au fil des pages, aspire à vivre ce mode de vie, celui d’une artiste en quête perpétuelle de beauté et de liberté.
Si j’ai aimé le caractère raisonnable, pragmatique et posé de Marie, notre héroïne, je dois avouer avoir trouvé Kitty parfois agaçante. Bien qu’elle soit à la fois fantasque, romantique et passionnée, elle multiplie aussi les extravagances au grand désespoir de ses parents qui lui cèdent tout du fait de son statut de cadette. Kitty est un brin trop évaporée à mon goût et parfois égoïste. Elle prend de plus souvent des décisions hâtives sans se soucier des conséquences pour son entourage. J’espère que Kitty mûrira davantage. Quant à sa soeur aînée, Elizabeth, c’est une jeune femme perfide d’une jalousie maladive. Elle rappelle énormément la personnalité d’Edith, la sœur au physique commun de Downton Abbey. Elizabeth n’est pas vraiment attachante, sa mesquinerie l’enlaidit. Elle manque également d’empathie pour les autres et ne se préoccupe que de sa petite personne. C’est une garce notoire envieuse et fourbe, prête à toutes les bassesses pour obtenir ce qu’on lui refuse. Si j’ai éprouvé au départ une certaine pitié pour cette sœur quelque peu délaissée, j’ai fini par la détester. Je trouve que l’auteur réussit moyennement à équilibrer les traits de personnalité des deux sœurs. L’une a tout, l’autre n’a vraiment rien pour elle.
Ce premier tome se laisse donc dévorer et est très bien écrit. On y entrevoit en outre une ambiance qui n’est bien évidemment pas sans rappeler l’atmosphère guindée et survoltée de Downton Abbey avec les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de cette excellente série télévisée : des bals luxueux et des toilettes excessives au coût exorbitant tout comme des intrigues d’alcôves entre maîtres et serviteurs à profusion. La villa, théâtre de l’intrigue principale, abrite par ailleurs ce fameux secret lié aux origines mystérieuses de Marie, héroïne du roman.
En dépit de quelques scènes mièvres en particulier dans le traitement de l’idylle entre Marie, l’héroïne et l’héritier rebelle Paul, mon intérêt pour l’histoire ne s’est pas un seul instant émoussé. Certes, un auteur anglo-saxon aurait sûrement apporté une dimension sociale plus convaincante et aurait sans doute préféré une histoire d’amour impossible pour évoquer la cruelle réalité de la lutte des classes. Anne Jacobs a choisi quant à elle la facilité pour nous produire une romance convenue. Elle pulvérise au passage d’un trait de plume le fossé social des personnages par le pouvoir seul de l’amour… Mouais. Malgré ce léger bémol, on s’attache aisément aux personnages du roman.
A l’évidence, Anne Jacobs ne possède pas le talent d’écriture et la finesse psychologique d’une Edith Wharton ou d’un Julian Fellowes mais elle arrive malgré tout à nous transporter. Et quand bien même la trame est somme toute prévisible, l’histoire demeure néanmoins passionnante malgré cette petite faiblesse d’écriture. Après tout, ce n’est pas tant la destinée finale qui compte que le plaisir de la traversée.
Je suis curieuse de voir comment l’auteur va à présent faire évoluer ses personnages, le second tome annonçant la première guerre mondiale qui se profile dangereusement à l’horizon. La famille des Melzer devra faire face à ce nouveau coup dur…
En bref, ce premier tome, très prometteur et captivant, a rempli presque toutes mes attentes à l’exception peut-être de la romance qui manque cruellement d’originalité. Je ne crois pas avoir été aussi enthousiaste à la lecture d’une saga que depuis la découverte merveilleuse du premier volet de la série de romans québécois Le goût du bonheur qui m’avait franchement séduite. Ma critique ici. Voici donc un petit pavé de l’été de six cent pages, délicieusement savoureux.
Les vacances ont officiellement débuté! Quelle meilleure façon de commencer cette nouvelle période estivale qu’en lisant, Anne d’Avonlea, le second tome très cottage core des aventures de notre chère Anne Shirley. J’ai une fois de plus retrouvé avec allégresse la jolie frimousse et les beaux yeux gris de cette rousse au tempérament de feu.
Notre adorable petite orpheline est enfin sortie de sa chrysalide, la voilà désormais une jeune institutrice de seize ans. Toujours aussi fantasque mais malgré tout plus raisonnable, Anne est à présent bien plus posée et moins pipelette. Elle possède cependant encore ce besoin, chevillé au corps, d’être aimée par tout son entourage.
La jeune fille qui n’a plus que Marilla, depuis la mort de Matthew, comme seule tutrice, s’efforce de faire bonne figure et aide sa mère adoptive dans toutes ses tâches. Une amitié s’accentue également en filigrane dans la trame principale avec le séduisant Gilbert, son ancien rival à l’école… On est bien loin de l’animosité initiale qui caractérisait leur duo. Cette relation amicale se meut peu à peu en un sentiment plus profond, une douce idylle semble d’ailleurs se profiler peu à peu… La suite de cette merveilleuse saga romantique nous en dira sans doute davantage. Hâte de voir comment leur relation va évoluer.
Dans ce second volet, Anne est également toujours à l’affût de nouveaux projets. Le club des Embellisseurs (rebaptisé sous cape par les mauvaises langues du village “le club du flirt”), une société d’amis dont le principal but est d’améliorer l’esthétisme des lieux qui entourent sa petite bourgade, est devenu sa nouvelle lubie. J’aime la façon dont Anne Shirley semble contaminer son monde. L’optimisme inébranlable tout comme cette aura bienveillante qui la caractérisent touchent au fil du temps toutes les personnes qui gravitent autour d’elle.
Sa relation avec les enfants est par ailleurs particulièrement touchante. Parce qu’elle a elle-même souffert durant sa petite enfance de solitude et d’un manque cruel d’amour, la jeune femme est dotée d’une grande empathie. Elle n’est d’ailleurs pas en reste lorsqu’elle doit, aux côtés d’une Marilla vieillissante et dont la vue décline de plus en plus, s’occuper de jumeaux orphelins. Davy et Dora ont des personnalités diamétralement opposées. L’un est récalcitrant à l’autorité et indiscipliné, l’autre est un ange placide et doux. Ces deux êtres occupent désormais une place prépondérante dans la vie de notre généreuse Anne qui s’efforcera de les éduquer.
Anne Shirley est aussi une institutrice passionnée qui prend très à cœur sa mission de transmission. J’ai beaucoup aimé sa manière bien à elle d’instruire ses élèves. Elle apprend au fur et à mesure de ses erreurs de jeunesse. Bien que ses élèves sont de véritables têtes de mules, cet admirable bout de femme est déterminée à réussir et s’investit corps et âmes dans tout ce qu’elle entreprend, et si parfois le métier d’enseignant semble charger d’une multitude d’épreuves, Anne a beau se questionner sur l’avenir de sa profession, elle ne baisse pas pourtant les bras. Elle évoque par ailleurs les déboires tout comme les déconvenues que subissent quotidiennement les enseignants:
“… Un découragement qui n’avait aucune véritable raison d’être car rien de grave n’était arrivé. Mais elle était épuisée et en venait à se dire qu’elle n’arrivait jamais à apprécier l’enseignement. Et ce serait vraiment horrible de faire quelque chose qui vous rebute tous les jours pendant, disons quarante ans.”
Une réflexion qui m’a fait sourire car ses préoccupations entrent en écho avec mes propres doutes en tant que professeure.
Lucy Montgomery réussit donc avec brio à faire évoluer la personnalité d’Anne Shirley pour la forger à sa nouvelle vie de femme. On a ainsi l’impression de la connaître intimement, de faire partie de son petit cercle d’amis. Le roman se présente parfois comme un guide spirituel sur la vie, il est en effet bourré de conseils pertinents sur le bonheur:
“ En fait, déclara Anne à Marilla, je vois que les journées les plus belles et les plus agréables ne sont pas celles où il se passe des choses magnifiques et incroyables ou passionnantes, mais celles qui ont su faire couler le long de sa plume un peu de son âme”.
On y découvre aussi une jeune écrivaine en herbe qui s’inspire de son quotidien. Ainsi, les événements en apparence sans grand intérêt mais qui font pourtant le sel de la vie à Avonlea deviennent de précieux trésors d’inspiration pour ses écrits. On suit de ce fait une fois encore les pérégrinations d’Anne Shirley avec le sourire aux lèvres. Les petites aventures d’Anne sont comme de délicieuses madeleines de Proust. Elles dégagent un sentiment nostalgique réconfortant.
L’auteure déploie en outre un monde bucolique d’une rare beauté. La plume enchanteresse de Lucy Montgomery nous transporte à chaque page. Si ses romans aux vertus apaisantes présentent peu de surprises, les chapitres se laisse dévorer. On a l’impression de retourner dans un univers familier, comme si on retrouvait des personnes chères à notre cœur. Ce second volet est par ailleurs émaillé de superbes descriptions poétiques et caractérisé par une petite touche d’humour débridé. Anne multipliant toujours les bourdes, on a droit à quelques passages drôles et rocambolesques délicieux. Les passages magnifiques de descriptions bucoliques invitent de ce fait le lecteur à la rêverie et renouent ce dernier à son âme d’enfant.
L’auteure croque par ailleurs des personnalités irrésistibles auxquelles on ne peut que s’attacher au fil des pages. On savoure chaque ligne comme on savoure un délicieux bonbon. C’est un régal d’écriture. J’adore cette ambiance un peu désuète, une bouffée d’air frais dans cette atmosphère morne actuelle et cet été qui semble timidement pointer le bout de son nez.
Les contours de l’univers charmant de cette saga, La maison aux pignons vert, pourtant initialement imaginaire, forment progressivement un monde crédible et coloré où il fait bon vivre. On referme le livre avec une petite pointe de regret et de mélancolie en espérant retrouver promptement ces héros de papier.
En bref: un roman donc léger et attendrissant où il ne se passe pas grand-chose au fond mais où on se laisse porter avec douceur d’une page à l’autre. Anne Shirley n’a donc pas fini de nous enchanter et de nous faire sourire. Voici donc la suite merveilleuse des aventures de cette jolie rousse espiègle, que j’ai lue avec un plaisir une fois de plus renouvelé.
J’ai visionné en parallèle de ma lecture le premier et le second épisode du feuilleton canadien, Le bonheur au bout du chemin, de 1985, une adaptation fidèle, réalisée par Kevin Sullivan qui rebooste le moral. Chaque épisode dure environ 1h30, de quoi se régaler et savourer pleinement l’univers enchanteur de cette jolie saga. En outre, l’actrice qui incarne à l’écran Anne Shirley est tout simplement parfaite pour son rôle. Elle embellit au fil des épisodes et est aussi belle que touchante dans son jeu. J’adore ses tenues très Dark Academy. Je suis incontestablement devenue une admiratrice fervente de l’œuvre de Montgomery grâce à cette mini- série. Pour retrouver mon avis sur le premier tome de cette saga, Anne de Green Gables, c’est ici.
Ma toute première participation au Challenge Cottagecorepour cette année.
A sa mort, Yukiko, survivante de la bombe atomique, révèle dans deux lettres à sa fille l’existence de son beau-frère inconnu et confesse à travers le récit d’épisodes de son enfance tout comme de son adolescence un terrible secret qui a pesé sur son âme tout au long de son existence. En évoquant son passé, sa vie d’abord à Tokyo, puis à Nagasaki, Yukiko fait resurgir les fantômes de sa jeunesse et plus particulièrement celui de son père, un homme cruel et égoïste… Elle reviendra ainsi sur la duplicité de cette figure paternelle dont les actions irréfléchies conduiront la narratrice à commettre l’irréparable…
Ce récit lumineux, sans fioriture ni effet de manche, mêle habilement les parfums entêtants de camélias (les fameux Tsubaki) à l’odeur âcre du cyanure. L’auteur réussit à toucher son lecteur en quelques phrases percutantes. Il faut dire que l’écrivaine possède un talent indéniable de conteuse. J’ai été émerveillée par cette plume fluide et légère qui nous envoûte dès la première page tournée. J’ai été d’ailleurs surprise par ce texte pourtant concis et dépouillé mais d’une puissance indiscutable. Cette histoire poétique m’a étrangement rappelée par certains aspects le roman L’été de la sorcièrebien qu’il soit en comparaison nettement plus abouti (ma critique ici).
J’ai été en effet émue par cette pauvre famille prise en étau entre un père égoïste et désabusé qui ne se soucie que de son propre plaisir et une guerre particulièrement meurtrière ; tout comme par le personnage féminin de Yukiko qui garde enfoui au plus profond d’elle-même un secret inavouable qu’elle finira par se résoudre à confesser dans un récit épistolaire post mortem particulièrement bouleversant.Ce secret enfouie au plus profond de son cœur finira par l’achever. Quelle tristesse!
Par la voix de Yukiko, l’auteure revient en outre sur la tragédie des bombes atomiques qui anéantirent Nagasaki et Hiroshima, étroitement liée avec l’histoire dramatique de sa famille tout comme la mort de son père disparu parmi les décombres. Ce récit complète merveilleusement bien mon dernier billet consacré au soldat Onoda qui demeura une trentaine d’années dans la jungle en refusant de capituler face au GIs (mon billet ici). Si je n’avais pas été profondément touchée par l’histoire peu glorieuse et froide de cet homme aux obsessions belliqueuses, j’ai été, a contrario, admirative du personnage féminin de ce court roman d’une sagesse exemplaire. Lorsque Yukiko raconte sa jeunesse sous les bombardements américains à son petit-fils, aucun remord ne semble transparaître dans son discours et pourtant elle fut elle-même frappée de plein fouet par l’horreur de cette seconde guerre mondiale. Yukiko offre en outre, une réflexion profonde et intéressante sur ce qui pousse l’homme à faire inlassablement la guerre, un questionnement qui fait étonnamment écho à la situation actuelle ukrainienne et à l’implication de près ou de loin des Etats-Unis dans ce conflit si complexe. Après tout, une guerre n’est jamais faite par charité… On réalise au fil de la lecture que rien n’a vraiment changé, l’Histoire avec un grand H est toujours un éternel recommencement. Nul reproche n’est ainsi fait envers le gouvernement américain pour la tragédie qui chamboulera pourtant sa propre vie. Pour elle, personne ne peut échapper à son destin, tout est écrit d’avance, une pensée empreinte d’une philosophie finalement très bouddhiste qui laisse songeur… Toutefois, Yukiko reste une femme d’une résilience à toute épreuve remarquable, une femme qui s’est contentée de survivre coûte que coûte malgré toutes les épreuves qui n’ont cessé de jalonner sa vie.
Ce premier volet de cette pentalogie originale est donc plutôt prometteur. Je garderai longtemps en mémoire la belle complicité toute particulière et émouvante qui lie Yukiko à son voisin, cet ami d’enfance dont elle conservera le souvenir jusqu’à son dernier souffle… De la belle littérature.
Pour conclure, l’auteur offre un tableau bouleversant d’une famille qui vit son propre drame intérieur alors que le monde autour d’elle se délite en plein cataclysme. Ce court roman, plein de pudeur, est tout simplement sublime. Je ne peux en dévoiler davantage de peur de vous gâcher le plaisir de cette lecture dont l’intérêt repose avant tout essentiellement sur la confession de ce fameux secret de famille.
J’ai très envie d’en apprendre davantage en lisant la suite de cette saga familiale japonaise. A noter que chaque volume peut finalement se lire indépendamment des autres. Je compte bien entendu découvrir la suite lorsque j’aurai terminé mes lectures consacrées au Mois anglais, je suis en effet actuellement plongée dans un roman tout aussi captivant bien qu’il soit plus dense, dont l’intrigue plante son décor dans un cadre victorien, imprégné de l’univers fantastique de HG Wells. Je vous en parlerai très prochainement cette semaine.
Un billet qui aurait dû être programmé pour le challenge Un mois au Japon. Mieux vaut tard que jamais!
Le challenge “Un mois au Japon” a rempilé pour une nouvelle saison et ce depuis début avril. Il se poursuivra encore tout au long du mois à mon grand soulagement puisque je souhaitais y participer ! Je profite donc d’un court moment de répit pour partager avec vous une lecture niponne troublante sur un soldat japonais qui, à la fin de la Seconde guerre mondiale, a refusé de déposer les armes malgré la reddition de son pays. Hiro Onoda a fait couler beaucoup d’encre et s’il a été adulé et érigé en véritable héros à son retour au Japon, il n’en demeure pas moins un personnage historique très controversé.
L’histoire incroyable de ce soldat débute en 1945 lorsque la Seconde Guerre mondiale s’achève ; Onoda est alors stationné aux Philippines avec son unité pour organiser des guérillas dont le but principal est avant tout de décourager les troupes américaines qui ont progressivement envahi les îles. Ce soldat aux rêves de grandeur aspire à devenir un héros légendaire.
Au fil du temps, ses compagnons disparaissent un à un tandis que lui s’agrippe corps et âme à son devoir, celui de résister coûte que coûte à l’asservissement américain. Il finit par demeurer seul et complètement isolé du reste du monde, incapable d’accepter l’impensable, la défaite cuisante du Japon. Durant presque une trentaine d’années de solitude assumée, Onoda aura attendu patiemment un signe, un ordre de son commandement… Ce roman est le témoignage authentique de son parcours tumultueux.
J’attendais peut-être trop de ce journal de bord magnifié par les critiques car je pensais découvrir un récit épique émaillé d’une réflexion profonde sur la condition humaine, mais à mon grand regret, cette lecture s’est révélée par moment et ce malgré sa brièveté, plutôt indigeste et d’un ennui mortel. En effet, les désirs belliqueux obsessionnels de ce personnage m’ont à ma grande déception laissée de marbre. Si cette robinsonnade sidérante offre des pistes intéressantes pour se familiariser avec la culture des samouraï, le dernier vestige d’une tradition féodale incapable de survivre aux bouleversements sociétaux que connut le Japon après la défaite de 1945 et les deux bombardements atomiques successifs des villes respectives de Nagasaki et d’Hiroshima, Onoda demeure cependant malgré tout peu attachant. Il m’a été en effet impossible d’éprouver une quelconque empathie pour cet homme entêté et un brin grotesque dans sa volonté inflexible d’exercer son devoir de soldat.
Ce journal de bord dessert en outre à mon sens l’image héroïque et humaine que les médias tentent inlassablement de portraiturer. Aucune émotion ne transpire de ces pages. Rien. Onoda complètement endoctriné affirme qu’il aurait pu poursuivre cette folie jusqu’à son dernier souffle, quelle absurdité ! Pourquoi s’est-il infligé un tel calvaire? Cette retraite choisie était-elle indispensable ? J’en doute fort. En tournant la dernière page, on constate qu’ aucun regret ne semble découler de cette expérience. Est-ce par pur pudeur? Le soldat aura tout de même réussi à convaincre trois de ses camarades de le suivre jusqu’à la mort malgré leurs doutes persistants, et à tuer une trentaine de civils alors que la guerre était bel et bien terminée.
29 ans dans la jungle, ça fait tout de même une partie de cache cache fichtrement longue !
Si les considérations matérielles trouvent naturellement leur place dans ce carnet de bord relatant le parcours difficile d’Onoda dans cette jungle hostile, force est de constater qu’en trente ans, il ne s’est pas passé grand-chose dans sa vie de soldat. D’emblée, on s’interroge sur les capacités intellectuelles réelles d’un tel personnage qui commettra d’innombrables monstruosités au nom de la patrie et donc du devoir… Le soldat persiste à faire la sourde oreille. Le gouvernement japonais ira jusqu’à faire venir le propre frère d’Onoda qui s’adressera à lui dans un micro pour le faire rentrer. Ce dernier y verra encore une tromperie sournoise des Américains pour le faire sortir de sa cachette… Mais quel crédule ! Des indices de bouleversements économiques, culturels et historiques du Japon après le passage effroyable et meurtrier de la bombe atomique sont pourtant distillés au fil des années à son équipée par les autorités japonaises. Comment a-t-il pu se bercer autant d’illusions ? Était-il déjà brisé mentalement par les événements dont il avait été témoin ? Des distributions de tracts au fil des années seront également effectuées par hélicoptère pour le tenir au courant des événements, sans grand succès. Onoda est même convaincu que la presse a falsifié à son insu les journaux… Rien que pour lui ! Un bel exemple de complotisme avant l’heure !
Bien que le doute s’immisce parfois dans son esprit brumeux, la certitude de remplir une mission qui le dépasse l’emportera toujours sur la raison. On plonge finalement avec une certaine gêne dans la psyché déconcertante de ce personnage érigé en héros ou en idiot selon la culture.
Onoda a survécu dans la jungle impitoyable en se nourrissant du bétail des civils, quelques buffles d’eau, de lait de coco pour les grandes occasions et de bananes, un régime qui le conduira lui et ses derniers compagnons d’infortune à des carences effroyables et à une maigreur décharnée. Alors que ses vêtements tombent progressivement en lambeaux, que la faim le tenaille sans cesse et que la civilisation se trouve pourtant à un jet de pierre, Onoda poursuit aveuglément sa mission, effectuant des petites actions finalement assez pitoyables sur la population civile. Ainsi, il brûlera régulièrement et saccagera les récoltes de riz des pauvres paysans pour les punir de pactiser avec l’ennemi américain.
En bref, voici donc le récit hallucinant bien que peu captivant d’un héros de pacotille fagocité par la presse qui s’est emparée de son histoire pour créer son propre mythe et encourager finalement une certaine propagande au Japon. Un article dans la rubrique « faits divers » aurait amplement suffi puisque ce journal n’apporte rien de nouveau… Ce rapport factuel est en outre mal écrit et présente peu d’intérêt pour comprendre la mentalité d’Onoda au patriotisme exacerbé et dont la personnalité demeure nébuleuse jusqu’à la dernière page. Trente ans de vie condensés dans un journal de bord de 250 pages fadasses, c’est assez désolant et quand on sait que les crimes d’Hiro Onoda sont demeurés impunis (certains ont tout de même été fusillés pour moins que ça), qu’après son retour à la civilisation, il a ouvert sa propre école de survie pour formater à son tour des enfants à son mode de pensée, on reste d’autant plus interloqué !
Onoda aurait continué longtemps à errer dans la jungle si Norio Suzuki, sorte d’étudiant hippie venu planter sa tante sur son territoire ne l’avait pas trouvé hagard dans les champs… La paranoïa de ce soldat est effarante. Onoda demandera malgré tout encore au jeune homme des preuves irréfutables de la défaite nippone. Comment un homme mentalement constitué a pu s’enferrer dans tant de bêtise ou d’aveuglement ? Il aurait été jugé irresponsable, même le cas de démence n’a jamais véritablement été exprimé. Les autorités japonaises comme américaines ont pu néanmoins juger de ses troubles obsessionnels. Somme toute, une fois élevée sur un piédestal par la presse internationale, vingt-cinq ans après, il n’était plus question de l’en faire descendre… Les japonais peuvent ainsi continuer d’honorer cette époque révolue où des soldats donnaient leur vie sans contrepartie pour la gloire de l’armée impériale du soleil levant.
Un dernier mot sur le long-métrage, 10 000 nuits dans la jungle, inspiré de sa vie et réalisé par Arthur Harari en 2021. Ce film d’une lenteur malheureusement effroyable tente vainement d’humaniser le personnage. Bien qu’un tantinet trop contemplatif à mon goût, il a au moins le mérite de nous faire voyager en beauté grâce à des images somptueuses des Philippines.
Vous trouverez ici les billets en tous genres d’une prof d’anglais passionnée, des papotages littéraires et cinématographiques. Bref, une bonne dose de culture! Bonne visite !