Tsubaki, le poids des secrets.
A sa mort, Yukiko, survivante de la bombe atomique, révèle dans deux lettres à sa fille l’existence de son beau-frère inconnu et confesse à travers le récit d’épisodes de son enfance tout comme de son adolescence un terrible secret qui a pesé sur son âme tout au long de son existence. En évoquant son passé, sa vie d’abord à Tokyo, puis à Nagasaki, Yukiko fait resurgir les fantômes de sa jeunesse et plus particulièrement celui de son père, un homme cruel et égoïste… Elle reviendra ainsi sur la duplicité de cette figure paternelle dont les actions irréfléchies conduiront la narratrice à commettre l’irréparable…
Ce récit lumineux, sans fioriture ni effet de manche, mêle habilement les parfums entêtants de camélias (les fameux Tsubaki) à l’odeur âcre du cyanure. L’auteur réussit à toucher son lecteur en quelques phrases percutantes. Il faut dire que l’écrivaine possède un talent indéniable de conteuse. J’ai été émerveillée par cette plume fluide et légère qui nous envoûte dès la première page tournée. J’ai été d’ailleurs surprise par ce texte pourtant concis et dépouillé mais d’une puissance indiscutable. Cette histoire poétique m’a étrangement rappelée par certains aspects le roman L’été de la sorcière bien qu’il soit en comparaison nettement plus abouti (ma critique ici).
J’ai été en effet émue par cette pauvre famille prise en étau entre un père égoïste et désabusé qui ne se soucie que de son propre plaisir et une guerre particulièrement meurtrière ; tout comme par le personnage féminin de Yukiko qui garde enfoui au plus profond d’elle-même un secret inavouable qu’elle finira par se résoudre à confesser dans un récit épistolaire post mortem particulièrement bouleversant.Ce secret enfouie au plus profond de son cœur finira par l’achever. Quelle tristesse!
Par la voix de Yukiko, l’auteure revient en outre sur la tragédie des bombes atomiques qui anéantirent Nagasaki et Hiroshima, étroitement liée avec l’histoire dramatique de sa famille tout comme la mort de son père disparu parmi les décombres. Ce récit complète merveilleusement bien mon dernier billet consacré au soldat Onoda qui demeura une trentaine d’années dans la jungle en refusant de capituler face au GIs (mon billet ici). Si je n’avais pas été profondément touchée par l’histoire peu glorieuse et froide de cet homme aux obsessions belliqueuses, j’ai été, a contrario, admirative du personnage féminin de ce court roman d’une sagesse exemplaire. Lorsque Yukiko raconte sa jeunesse sous les bombardements américains à son petit-fils, aucun remord ne semble transparaître dans son discours et pourtant elle fut elle-même frappée de plein fouet par l’horreur de cette seconde guerre mondiale. Yukiko offre en outre, une réflexion profonde et intéressante sur ce qui pousse l’homme à faire inlassablement la guerre, un questionnement qui fait étonnamment écho à la situation actuelle ukrainienne et à l’implication de près ou de loin des Etats-Unis dans ce conflit si complexe. Après tout, une guerre n’est jamais faite par charité… On réalise au fil de la lecture que rien n’a vraiment changé, l’Histoire avec un grand H est toujours un éternel recommencement. Nul reproche n’est ainsi fait envers le gouvernement américain pour la tragédie qui chamboulera pourtant sa propre vie. Pour elle, personne ne peut échapper à son destin, tout est écrit d’avance, une pensée empreinte d’une philosophie finalement très bouddhiste qui laisse songeur… Toutefois, Yukiko reste une femme d’une résilience à toute épreuve remarquable, une femme qui s’est contentée de survivre coûte que coûte malgré toutes les épreuves qui n’ont cessé de jalonner sa vie.
Ce premier volet de cette pentalogie originale est donc plutôt prometteur. Je garderai longtemps en mémoire la belle complicité toute particulière et émouvante qui lie Yukiko à son voisin, cet ami d’enfance dont elle conservera le souvenir jusqu’à son dernier souffle… De la belle littérature.
Pour conclure, l’auteur offre un tableau bouleversant d’une famille qui vit son propre drame intérieur alors que le monde autour d’elle se délite en plein cataclysme. Ce court roman, plein de pudeur, est tout simplement sublime. Je ne peux en dévoiler davantage de peur de vous gâcher le plaisir de cette lecture dont l’intérêt repose avant tout essentiellement sur la confession de ce fameux secret de famille.
J’ai très envie d’en apprendre davantage en lisant la suite de cette saga familiale japonaise. A noter que chaque volume peut finalement se lire indépendamment des autres. Je compte bien entendu découvrir la suite lorsque j’aurai terminé mes lectures consacrées au Mois anglais, je suis en effet actuellement plongée dans un roman tout aussi captivant bien qu’il soit plus dense, dont l’intrigue plante son décor dans un cadre victorien, imprégné de l’univers fantastique de HG Wells. Je vous en parlerai très prochainement cette semaine.
Un billet qui aurait dû être programmé pour le challenge Un mois au Japon. Mieux vaut tard que jamais!
Comme souvent, je crois que ce n’est vraiment pas fait pour moi ^^ J’ai testé les univers japonais, mais j’ai du mal à y entrer…
Je t’avoue que j’essaie régulièrement de m’y intéresser pour ne pas tourner avec les mêmes types de lectures et de billets mais ce n’est franchement pas non plus ma tasse de thé. Je suis toujours plus intéressée par la littérature anglo-saxonne et les romans se déroulant plutôt au XIXème siècle. Merci pour ton passage, je reviens cette semaine par ici.
Ma pentalogie préférée de l’auteure.
Oh oui je veux tout lire de cette auteure…..vraiment….
Oui moi aussi! j’en ai repéré plein. Pour l’instant j’ai acheté toute la saga Le poids des secrets. Je lis le second tome.
Alors bonne lecture…;)
Waou ! Tu me donnes vraiment envie de le lire !
C’est une bonne pioche, je vais bouquiner le deuxième ce soir tranquillement.