A la suite d’une déception amoureuse douloureuse, Ruriko décide de tout quitter, Tokyo et son rythme de vie effréné, pour s’installer en pleine forêt dans un chalet. Là-bas, elle tente de se reconstruire en s’adonnant à sa passion, la calligraphie dont elle doit désormais vivre chichement. Non loin de sa “cabane”, à la lisière de la forêt, elle fait la rencontre d’un curieux duo à la fois tranquille et discret : Nitta, un ancien pianiste tourmenté devenu facteur de clavecins et sa jolie apprentie, Kaoru, qui cache un terrible passé. Tous deux sont toujours accompagnés de leur vieux chien, le touchant Dona complètement aveugle et à moitié-sourd. Nitta est incapable de jouer en présence d’un public, pourtant un matin, Ruriko surprend l’homme jouer un morceau mélancolique pour Kaoru, Les tendres plaintes. Cette scène secrète où la sérénité semble presque palpable bouleverse Ruriko …
Voilà une lecture que je suis pas prête d’oublier de si tôt… Ce doux roman est un petit joyau d’écriture. Si l’intrigue est quasi-inexistante, cette histoire d’une lenteur déconcertante m’a paradoxalement beaucoup plu. Je me suis complètement laissée bercer par la musicalité de l’écriture de Yôko Ogawa, qui a un talent inné de conteuse. Elle excelle à décrire les sentiments complexes qui envahissent les protagonistes au fil de l’histoire.
Ruriko est un personnage féminin profondément émouvant. Cette femme blessée par un mari volage va tenter vainement de s’immiscer dans la bulle de quiétude qui enveloppe cet étrange couple. Nitta et Kaoru sont-ils d’ailleurs amants, amis ou de simples collègues de travail? Difficile de déterminer cette relation toujours nimbée de mystère, qui n’appartient qu’à eux. Ses deux personnages vivent à la fois en osmose avec la nature mais sont également totalement complémentaires. Ruriko ne peut malheureusement appartenir à leur monde et bien qu’elle s’évertue à se glisser entre eux, espérant partager leur passion, elle demeurera d’un bout à l’autre du roman qu’une piètre spectatrice, celle d’un univers mystérieux et coupé de tout, dont elle ne saisit pas les codes.
Cette œuvre d’une écriture épurée mais sensible, intrigue donc autant qu’elle fascine. La traduction est par ailleurs remarquable car la plume est d’une grande fluidité. Si les descriptions de paysages sont particulièrement intenses, les sons ont eux aussi une place importante dans le roman, c’est pourquoi le grincement d’un plancher, le bruissement d’une feuille tout comme la répercussion de l’onde du lac sur l’eau impactent inlassablement l’humeur des personnages. J’ai ainsi aimé le rôle que jouait la musique pour rappeler les souvenirs enfouis de ses personnages abîmés par la vie. Ces protagonistes insaisissables sont fascinants et l’adoration plus que l’amour qui unit Kaoru à Nitta est bouleversante.
Les pique-niques au bord de l’eau, les balades sans but dans la forêt, ces instants de bonheur fugace sont ici admirablement bien rendus. L’autrice pose également un regard tendre sur les animaux et en particulier sur Dona, ce chien vieillissant, avili par la maladie et qui a lui aussi un rôle important à jouer dans l’équilibre de cet étrange équipage.
Enfin, j’ai trouvé ce portrait de femme en mal d’amour que dépeint avec finesse Yôko Ogawa, tout simplement poignant. Incontestablement un beau livre, une énigme aux vertus étrangement apaisantes, qui nous hante même après avoir tourné la dernière page.
En bref : un roman complexe sur le pouvoir des liens amoureux, triste et un tantinet désespérant mais tellement beau. Une belle découverte qui m’a rappelé par certains aspects l’atmosphère poétique et mystérieuse du Mur invisible de Marlen Haushofer …. J’y ai ressenti les mêmes sensations étranges, cette douceur à la fois mélancolique et ensorcelante. On a parfois presque l’impression d’entendre la forêt nous murmurer ses secrets…
Une douce lecture nipponne qui vient clôturer en beauté le challenge Un mois au Japon, et qui introduit parfaitement bien le Challenge Cottagecore que je viens tout juste d’amorcer en s’inscrivant dans les catégories : Retour aux sources et Rêveries au bord de l’eau.
Bienvenu sur le blog de Missycornish!
Vous trouverez ici les billets en tous genres d’une prof d’anglais passionnée, des papotages littéraires et cinématographiques. Bref, une bonne dose de culture! Bonne visite !
-
Rejoignez les 283 autres abonnés
On papote?
Lovatiana Juliana dans Varatraza, un vent de dés… alexmotmots dans Les sept mercenaires (2016)/ S… Marjorie de Bazouges dans Les sept mercenaires (2016)/ S… missycornish dans Les sept mercenaires (2016)/ S… missycornish dans Dans la forêt de Jean Heg… -
Envie de lire?
- Les sept mercenaires (2016)/ Soirée Pop Corn rétro #5
- Dans la forêt de Jean Hegland
- A la lumière des étoiles de Thomas Hardy
- Read-a-thon Halloween/carnet de bord Spookosy 1 semaine automnale.
- La maison des oubliés de Peter James
- Les ombres de Wild Fell
- Blackwater de Michael McDowell
- Stephen King’s Creepshow (l’adaptation en comics books des contes de la crypte)
- blablas littéraires et automnaux/ Installation pour le Mois Halloween et billet de suivi
- Le maître des illusions de Donna Tartt
- Back on the saddle again! Le challenge Halloween est de retour!/ Blablas littéraires
- Varatraza, un vent de désirs
- Là où chantent les écrevisses de Delia Owens
- Des jours et des vies de Gill Paul
- Persuasion de Carie Cracknell/ Soirée Ciné Popcorn #9
- Persuasion
- La villa aux étoffes, tome 1
- Anne d’Avonlea de Lucy Montgomery (tome 2)
- Tsubaki, le poids des secrets
- Au nom du Japon de Hiro Onoda
- Deux ans de vacances de Jules Verne
- Challenge Cottagecore 2022, c’est parti pour une nouvelle saison!
- Désirer de Richard Flanagan
- Carnet de lectures #2 (British Mysteries+ Thématique du naufrage)
- En attendant Bojangles de Olivier Bourdeaut
- Weekend cosy British Mysteries carnet de lectures (Agatha Christie +billet de suivi) #1
- L’Aventureuse de Jack London
- Bonne année 2022 !
- Snjor de Ragnar Jonasson
- L’abomination de Dunwich de H.P Lovecraft
- Seule en sa demeure de Céline Coulon
- Chambre 1408 de Stephen King
- L’auberge de la Jamaïque
- Le Challenge Cottagecore et le Mois Halloween s’associent !
- 4 histoires fantastiques d’Edgar Allan Poe
- La bicyclette bleue/tome 1 de Régine Desforges
- Agatha Raisin et La quiche fatale
- Papotages littéraires en vrac #2
- A la lumière des étoiles de Thomas Hardy
- Filles de mer
- Papotages littéraires en vrac #1
- Souvenirs de Marnie
- La fabrique de Poupées d’Elizabeth Mcneal
- L’étrange disparition d’Esme Lennox
- Mandy de Julie Andrews
- RIP Lucinda Riley
- The Serpent/ Soirée Ciné Popcorn#8
- Le charmant cottage d’Amelia par Abby Clements
- La chambre aux papillons
- Les dix ans du mois anglais/ Le Book club # auteurs irlandais
- L’été de la sorcière de Nashiki Naho
- Miss Charity
- Là où chantent les écrevisses de Delia Owens
- 12 years a slave
- La p’tite Pal de Poupouche / Edition #2
- Emma de Autumn de Wilde/ soirée ciné Popcorn #7
- Les tendres plaintes de Yôko Ogawa
- Challenge Cottagecore
- Le destin blanc de Miyuki /Le kimono blanc
- Read-a-thon un mois au Japon ( journal de bord et post de suivi) 2021
- Les amants du Spoutnik de Haruki Murakami
- Shikanoko : l’enfant cerf
- Enola Holmes/ Tome 1 La double disparition (B.D)
- Mon voisin Totoro
- La geisha et le joueur de banjo de Jérôme Hallier
- Challenge Un mois au Japon 2021
- Little Miss Sunshine/ Soirée Popcorn #6
- La crique du Français de Daphne du Maurier
- Chocolat de Joanne Harris
- Les sept mercenaires (2016)/ Soirée Pop Corn rétro #5
- Ku Klux Klan, des ombres dans la nuit
- L’aviatrice de Paula Mclain
- Home de Toni Morrison
- Baronne Blixen de Dominique de Saint Pern
- Les secrets de Cloudesley de Hannah Richell
- R.A.T gourmand de la Saint-Valentin (billet de suivi)
- Pachinko de Min Jin Lee
- Karaté Kid/ Soirée Pop Corn rétro #4
- L’oeil du léopard de Henning Mankell
- L’île sous la mer
- Les déracinés de Catherine Bardon
- La p’tite PAL de Poupouche
- L’ange de Marchmont Hall de Lucinda Riley
- Anne de Green Gables
- Le Père Noël et ses lutins sont passés ! Merry Christmas !
- Noël à la Librairie des Coeurs Brisés d’Annie Darling
- Un jour en décembre de Silver Josie
- Christmas Read-A-Thon (billet de suivi et bilan)
- Swap hivernal
- The Boys/ Soirée Pop Corn #3
- Le spectacle de Noël d’Anne Perry
- Pas de Noël cette année de John Grisham
- Rebecca de Daphne du Maurier
- Read-a-thon Mois Halloween cosy (billets de suivi du 6,8 et 9 nov et bilan)
- Coco
- Les nouvelles aventures de Sabrina/ Pumpkin Heads
- Soirée Pop Corn#2 Spécial Halloween
- Ma vie de Prof d’Anna Chronique
- Simetierre de Stephen King
Rechercher un ancien billet
Catégories
Articles que J’aime
Pages
Blogs Suivis
Blogroll
Les œuvres japonaises m’intriguent souvent beaucoup mais je dois dire que je n’arrive pas à me lance, sans vraiment savoir ce qui me retient.
Moi je t’avoue s’il n’y avait pas eu le mois japonais, je n’aurais rien lu de cette autrice. J’ai été agréablement surprise.
Je n’ai pas lu ce roman de Yôko Ogawa mais plusieurs autres titres au fil des années. Ses romans courts comme La piscine, La grossesse, Les abeilles ou L’annulaire sont surprenants ! Mais mes romans préférés sont La formule préférée du professeur (2003) et Petits oiseaux (2012), les as-tu lus ? Quant au Mur invisible de Marlen Haushofer, j’ai beaucoup entendu parler de ce roman que je n’ai pas lu (peut-être un jour) mais j’ai vu le film qui m’a impressionnée 🙂
Je n’ai pas lu d’autres romans de Yôko Ogawa mais c’est certain j’en lirai d’autres. J’aimerais beaucoup lire en effet La formule préférée du professeur et le mur invisible était un magnifique roman. Ça m’a bouleversé.
Et bin j’avais adore ce roman, mais il m’a laisse quelques impressions assez bizarres….cette volonte de detruire l’autre couple…mais comme d’habitude une grande ecriture de Yoko Ogawa…;)
Oui le personnage de Ruriko est étrange. Elle essaie de briser ce qu’elle n’a pu avoir avec son époux. C’est désolant.
C’est un roman genant comme Ogawa sait bien les rendre…;)
Je n’aime pas Ogawa mais j’aime beaucoup le mur invisible. Je me laiserai peut être tentée
C’est une très belle histoire. Un drôle de roman qui se lit très bien. J’ai beaucoup aimé le style. Bonne journée Maggie. 😉