Halloween s’est officiellement achevé ce week-end, toutefois ma famille et moi n’avons pu célébrer dignement cette fête dont nous raffolons tant, faute de disponibilité. Nous avons cependant tenté de rattraper ce petit contretemps en improvisant une petite célébration mais étant tous malades de la grippe et fatigués, la soirée fut de courte durée. Pas grave, nous nous rattraperons l’année prochaine.
Le mois Halloween continuant jusqu’à mi-novembre et n’étant pas tout à fait prête à exhumer de ma bibliothèque des lectures de Noël ni à visionner des téléfilms mièvres pour l’occasion, les billets frissonnants vont donc pour le moment se poursuivre pendant quelques semaines. De plus, le défi du Black November vient tout juste de débuter, une bonne excuse pour faire durer un peu plus le plaisir. Cela devrait me laisser suffisamment de temps pour chroniquer encore quelques billets en retard.
J’ai dernièrement découvert avec émerveillement l’univers étrange et cosmique d’un auteur fabuleux, le grand maître du fantastique, Howard Phillips Lovecraft et il me tardait de vous partager mon ressenti sur L’abomination de Dunwich. Comment suis-je passée durant toutes ces années à côté de l’œuvre exceptionnelle de cet auteur pourtant incontournable dans le domaine du fantastique?
Je ne connaissais pour ainsi dire rien de cet écrivain extravagant. J’avais depuis de nombreuses années un petit recueil de ses nouvelles les plus illustres dans ma PAL mais je ne sais même pas comment ce livre a atterri chez moi. Sa provenance relève du mystère n’ayant jamais réellement éprouvé jusqu’à aujourd’hui un intérêt quelconque pour cet écrivain (merci le mois Halloween pour cette découverte!). J’ai failli à plusieurs reprises m’en défaire pour le déposer dans une boîte à livre. Quelle folie ! J’ai bien fait de l’avoir conservé, c’est une excellente pioche. Autant l’avouer sans détour, je suis devenue une fan inconditionnelle de Lovecraft, si bien que j’ai depuis englouti la quasi-totalité de ses nouvelles tout comme ces quelques romans courts (une vraie accro!). Mon enthousiasme ne s’est pour le moment pas tarit. Même si le style peut parfois sembler répétitif, l’univers riche de Lovecraft nous surprend toujours par son originalité. Dans un va-et-vient avec la science, l’auteur se nourrit en outre de sa fascination malsaine pour l’eugénisme et l’occultisme, offrant des possibilités infinies de constructions narratives passionnantes.
Ainsi donc, ce recueil intitulé L’abomination de Dunwich, en référence à l’une de ses nouvelles les plus puissantes, est un condensé remarquable de l’œuvre lovecraftienne. Il comporte neuf histoires toutes plus effroyables les unes que les autres car cet auteur a un talent inné de conteur et réussit avec maestria à mêler le surnaturel, la science tout comme le mystique. Cette combinaison a priori improbable est pourtant gagnante ici ! Un vrai tour de force, j’en suis restée bluffée. Certaines chutes sont par ailleurs surprenantes.
Parmi les neuf nouvelles proposées dans ce recueil, trois ont particulièrement retenu mon attention:
♣ Le molosse est incontestablement l’une de mes favorites. Elle aurait très bien pu être écrite par le grand précurseur de la littérature vampirique Bram Stoker. Je l’ai trouvé glaçante. L’intrigue est originale car elle est circulaire. Deux jeunes passionnés d’occultisme se rendent en Hollande pour y entreprendre des fouilles illégales et déterrer le cadavre d’un puissant sorcier. Cet acte abominable et blasphématoire n’est bien évidemment pas sans conséquence car dans la sépulture, une amulette en forme de chien et aux dangereux pouvoirs y est dissimulée. Les deux jeunes gens s’en emparent sans scrupule, c’est alors qu’une créature étrange et assoiffée de sang, venue tout droit des entrailles de la terre les traque, démembrant l’un des deux chercheurs… La fuite semble dès lors impossible pour le narrateur qui nous raconte son funeste destin …
Cette nouvelle publiée en 1924 est l’une des premières références au Necronomicon, ce grimoire maléfique qui renferme les formules magiques et secrètes permettant d’ouvrir un portail sur un autre monde peuplé de créatures ignobles et abominables … Le sorcier arabe fou, Abdul Alhazred, mentionné dans de nombreuses nouvelles est également évoqué. Comme pour celui dont on ne doit jamais prononcer le nom dans Harry Potter, sa seule allusion nous fait frémir lecteurs d’horreur …
♣ La maison maudite (The shunned house pour son titre original) parue pour la toute première fois en 1928 est l’une des histoires les plus dérangeantes du recueil. L’horreur s’immisce dès les premières pages puisque l’auteur fait, avec une ironie grinçante, une allusion évidente à Edgar Allan Poe … Ce détail réjouissant pose d’emblée le climat angoissant de la nouvelle. Lovecraft s’attarde en outre sur les origines d’une lignée souffreteuse sous le joug d’une malédiction mystérieuse. En effet, tous les membres de la famille ayant vécu dans cet habitacle insalubre ont été disséminés au fil des ans comme atteint d’une maladie dégénérative inconnue… La plupart serait mort d’épuisement … Des émanations jaunâtres sont découvertes dans la cave moisie du taudis … et c’est ainsi que le narrateur découvre avec dégoût l’horrible vérité …
Cette nouvelle est particulièrement originale et inquiétante. Lovecraft puise ici son inspiration dans des théories pseudo-scientifiques plausibles … Il n’est point ici question de créatures surnaturelles mais bien d’une matière trouble envahissante et parasitaire … Une fois encore, la thématique du vampirisme tout comme l’influence de Bram Stoker n’est jamais bien loin même si cette dernière est davantage exploitée et est renforcée par un cadre scientifique presque crédible…
Comment ne pas penser dès lors à la nouvelle horrifique de Stephen King, Le ver qui a d’ailleurs été adaptée ce mois-ci en série produite par Amazon, Chapelwaite?
On y trouve des thèmes analogues. Stephen King étant lui-même un fervent admirateur de Lovecraft, l’inspiration n’est bien évidemment pas anodine. Je vous parlerai ultérieurement de cette brillante série (à voir d’urgence!) dans un billet.
♣ L’abomination de Dunwich est bien entendu l’une des nouvelles les plus célèbres de l’univers Lovecraftien. Publiée en 1929, elle prend pour cadre l’univers du mythe de Cthulhu.
Dans une région reculée du Massachusetts, une femme albinos en carence éducative met au monde un être étrange, Wilbur. Ce petit bâtard d’une branche dégénérative de la famille Whateley grandit anormalement vite. Apprenant donc à marcher, s’exprimer et lire à une vitesse vertigineuse grâce à son grand-père, le vieux Whateley qui lui apprend les rudiments de son savoir interdit, en autre, la magie noire, Wilbur devient à l’âge de quatre ans, un jeune géant robuste à l’allure de bouc et au physique difforme… Cet étrange garnement se prend de passion pour les forces occultes et met la main sur un curieux ouvrage, le Nécronomicon, un grimoire permettant d’ouvrir une fenêtre sur un monde multidimensionnel … À la mort de son grand-père et de sa mère, une présence malsaine et néfaste prend quartier dans la vieille ferme Whateley alors que du bétail disparaît progressivement. Lorsque la ferme finit par exploser, une entité effroyable s’abat sur les environs, détruisant et engloutissant tout ce qui se trouve sur son passage comme toute forme de vie, qu’elle soit animale ou humaine … Wilbur est-il lié à cette créature invisible destructrice? Où l’ont donc mené ses recherches morbides?
Cette nouvelle est tout simplement brillante. Lovecraft revient sur la théorie des mondes parallèles. On se croirait presque dans un épisode sombre de la quatrième dimension. La chute est terrible, le lecteur est partagé entre un sentiment d’angoisse et un dégoût croissant pour cette révélation finale innommable. Du grand art !
Un petit zoom sur l’auteur:
Lovecraft fut un auteur torturé, atteint de terreurs nocturnes et sans doute agoraphobe. Calfeutré constamment entre quatre murs et terrifié par le monde environnant, il aurait été obsédé dans sa jeunesse par des idées plutôt nauséabondes sur la supériorité de certaines races… (d’où l’exploitation un peu farfelue et réductrice de ce trait de caractère de l’auteur dans Lovecraft Country). L’écrivain fut par ailleurs longtemps vilipendé pour ses convictions racistes qui fort heureusement évoluent à la fin de sa vie (il aurait soutenu en autre la théorie fétide de la race aryenne). Lovecraft, honteux, aurait par la suite renié ses premiers écrits espérant faire ainsi amende honorable sur son passé controversé en s’intéressant de prêt à la monstruosité tout comme à la dégénérescence de certaines lignée pourrissante (que l’on retrouve en outre dans L’abomination de Dunwich). Tombé dans l’oubli à sa disparition, cet écrivain remarquable a suscité un regain d’intérêt au XXème siècle. Son imaginaire fantastique extraordinaire est finalement devenu culte. Il a depuis été reconnu comme un auteur incontournable du fantastique et de l’horreur aussi génial que son propre modèle, Edgar Allan Poe. Lovecraft a ainsi donné naissance à une littérature fantastique incroyable et à la Cosmogonie (un ensemble de mythes décrivant l’évolution de l’univers). Il exhume les terreurs de l’infini du cosmos et la place ridicule de l’homme au sein de cet univers abyssal. Je vous invite à vous plonger dans ce monde mythique immersif. Vous ne serez pas déçus du voyage !
Et en prime un petit documentaire fort intéressant sur Lovecraft et son oeuvre:
Nouvelle participation au challenge Le mois Halloween
La grippe déjà chez vous ? J’espère que ça va mieux.
Merci Alex. Oui mais on a douillé sacrément presque quinze jours malades. On a fait des tests mais ce n’était apriori pas le.Covid.
Bon alors si je retente Lovecraft, ce sera peut-être avec cet ouvrage-ci… 😉
Mon mari est un inconditionnel de Lovecraft. J’avoue que je suis plus sur la réserve, vraiment pas mon genre de prédilection !
Mon fils m’a souvent parlé de cet auteur qui a obtenu succès de son oeuvre après sa mort si je me souviens bien. D’ailleurs, ton billet m’a amené jusqu’à sa bibliothèque. Il en a déjà 5, je vais en lire un. J’étais justement à la recherche de ma prochaine lecture. ! 🙂 Celui dont tu parles a l’air effrayant selon la couverture… Brrr 🙂 Bonne journée à toi!
Bin j’avoue ne pas etre une grande fan…pourtant j’en ai lu…mais il me laisse de marbre assez souvent…alors peut-etre en lisant ces nouvelles…;)
En te lisant je me dis qu’il va falloir que moi aussi je comble cette lacune.