Lorsqu’au cours de l’une de mes promenades sans but à Cabourg, j’ai déniché aux dernières vacances de Pâques cette petite curiosité littéraire sur l’étalage d’un modeste bouquiniste de la ville, je n’ai pas pu résister à la tentation de mettre la main à la poche, et pour la somme modique de 2 euros, je suis repartie le sourire aux lèvres, satisfaite de ma petite emplette.
C’est avec empressement que, rentrée chez moi, j’ai entrepris de parcourir ce roman psychologique pour inéluctablement laisser de côté mes lectures du moment et m’y immerger complètement. Il est vrai que si je n’avais pas par hasard visionné quelques jours auparavant la bande-annonce de l’adaptation cinématographique, lors d’une journée pour le moins pluvieuse et cendrée comme nous sommes si souvent habitués ici au coeur du Pays d’Auge, ce simple titre, en apparence peu significatif, n’aurait sûrement jamais attiré mon œil pourtant scrutateur, malgré le charme de cette couverture rétro et vieillotte où figure comme une adorable figure de proue Brigitte Bardot. L’auteur ne m’était pas non plus tout à fait inconnu car je connaissais de réputation Christiane Rochefort et en particulier son roman Les petits enfants du siècle, naguère au programme scolaire du BAC de français.
Cette dernière, romancière féministe, est née dans un quartier populaire parisien du XIVème arrondissement et a été renvoyée alors qu’elle occupait le poste très convoité d’attaché de presse à Cannes, en 1968, en raison de sa liberté de pensée trop controversée. Avant de se vouer à sa véritable passion, l’écriture, Christiane Rochefort fit ses études d’Ethnologie et de Psychologie à la Sorbonne. Le roman Le repos du guerrier emprunte son titre à une expression phallocentrique qui daterait du XIXème siècle. Cette formule symboliserait le délassement sexuel de l’homme qui après s’être battu vaillamment durant de nombreuses années revient au foyer pour honorer sa femme, fidèle à son poste d’épouse sage et dévouée. L’expression a été remise au goût du jour à la suite de la publication de ce livre.
Geneviève Le Theil (incarnée dans le film par la splendide BB), jeune bourgeoise très respectable, quitte Paris pour un bref séjour en province dans le but de régler l’héritage que lui a légué une tante. A peine arrivée, la demoiselle apprend avec surprise le montant inespéré du legs, et la voilà fraîchement millionnaire. Pour couronner le tout, elle se retrouve malgré elle, grâce à son passage inopiné dans un hôtel minable, le témoin d’un drame qui aurait pu tourner en tragédie si elle ne s’était pas interposée malencontreusement en se trompant de porte. C’est en franchissant le seuil d’une chambre inconnue que Geneviève découvre avec horreur un homme étendu inconscient sur un lit miteux. Ce dernier, un alcoolique désespéré prénommé Renaud, a tenté de mettre fin à ses jours. Après le sauvetage in extrémiste du mystérieux suicidaire, Geneviève se prend de pitié pour ce débris humain qu’elle recueille comme elle le ferait d’un chien errant. Elle finira finalement par s’éprendre de lui. Renaud amusé par la jeune samaritaine volontaire et bien naïve, décide de remettre son existence piteuse entre ses mains. Mais Geneviève nourrissant l’espoir fou de réussir à se faire aimer de lui et à l’extraire définitivement de sa déchéance, n’a nullement l’intention de lâcher prise. Au contraire elle se démènera corps et âme pour lui, au risque d’y brûler ses propres ailes.
L’histoire est focalisée sur la relation ambiguë des deux personnages principaux. Est-ce une vraie histoire d’amour ou une liaison banale? Il est bien connu que les pouvoirs du corps et du sentiment échappent à la logique. Toutefois on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la raison qui pousse Geneviève, une jeune étudiante en psychologie à la fois éduquée et classieuse à s’accrocher obstinément comme une bernique à un personnage si ignoble. Cet artiste raté et détestable exerce une cruauté mentale sur la femme qu’il aime. Renaud, à la personnalité ombrageuse et cynique, refuse l’amour de Geneviève qu’il remet régulièrement en doute. D’après lui, cette dernière confond le désir sexuel et l’amour sincère, les deux étant étroitement liés. Le jeune homme s’arrange toujours pour faire payer à Geneviève ses faiblesses de cœurs. Que redoute-t-il ? D’être happé dans une certaine routine ? D’appartenir à quelqu’un ? De devenir un hypocrite ? Parfois fanfaron, souvent goujat, au fond il se déteste et se complet dans son mal être.
Quant à elle, Geneviève est follement éprise de Renaud, et partage par amour ses vices, devenant peu à peu alcoolique, se métamorphosant en une femme dévergondée, complaisante et affichant un trait de caractère finalement aux antipodes de sa vraie personnalité. Prête à sacrifier sa vie entière pour cette épave qui s’enlise progressivement, la jeune femme dilapide peu à peu sa fortune en mauvais alcool et en cigarette.
A travers le refus de céder à l’amour de Geneviève, Renaud, récalcitrant à l’idée du mariage, rejette les préceptes de la petite bourgeoisie parisienne. L’homme se perçoit comme un marginal. Ce roman fit tellement couler d’encre à sa publication que l’on lui discerna un prix spécial, le prix de « la nouvelle vague ».
Christiane Rochefort nous livre une critique taillée à la serpe de la petite bourgeoisie française, Geneviève en est le pur produit. Renaud caractérise quant à lui l’hédonisme libertin, (une doctrine dont l’élément principal est la recherche coûte que coûte du plaisir sous toutes ses formes). Connaissant un peu plus la romancière grâce aux quelques recherches que j’ai effectuées, il n’est pas étonnant de retrouver l’un des thèmes chers à l’auteur, à savoir l’aliénation du mariage. En effet, Christiane Rochefort aurait de son vivant pris délibérément la décision de divorcer de son mari pour se consacrer pleinement à son métier d’écrivaine. Le mariage tue-t-il le désir, la passion, tout comme le talent artistique ? C’est ce que semble vouloir faire entendre l’auteur à travers le discours engagé de Renaud. Certes, le guerrier finit par déposer les armes devant la femme triomphante et ce n’est pas tant cette fin si prévisible qui importe que les idées pour le moins provocantes que le livre véhicule. Le dénouement est assez dérangeant, car Geneviève peut-elle parler de victoire lorsque Christiane Rochefort ne manque pas de souligner le regret de son héroïne d’avoir transformé son loup en agneau, désormais prêt à construire sa vie autour de conventions mondaines qu’il devine futiles et hypocrites, faisant définitivement fi de ses illusions passées ? A mes yeux ce roman est fascinant car Geneviève en apparence naïve et fragile est bien plus forte qu’elle ne le laisse deviner. L’héroïne est inquiétante n’ayant à mon sens rien d’une innocente oie blanche, pis encore, c’est une manipulatrice passive. La fin m’a laissé songeuse et m’a déstabilisée car le livre illustre avec brio une facette troublante de la duplicité féminine.
Le repos du guerrier adapté pour le grand écran en 1962 remporta un vif succès, Geneviève étant interprétée avec classe par la sulfureuse Brigitte Bardot dont les scènes de nu ont sûrement donné la fièvre a plus d’un lors de sa première sortie en salle. Quant au tourmenté Renaud, il fut représenté sous les traits du beau Robert Hossein. Si le film fut jadis déconseillé aux moins de 18 ans, il n’a rien de choquant aujourd’hui. J’ai beaucoup aimé le roman tout comme l’adaptation franco-italienne de Roger Vadim qui est venue agrandir ma modeste collection des meilleurs films de Brigitte Bardot, même si les deux diffèrent légèrement, l’adaptation cinématographique étant bien moins vulgaire et brutale que le livre. Il est vrai que Robert Hossein est peu convainquant en libertin décadent et qu’il attire plutôt la sympathie. En cela le roman a une ambiance plus déplaisante du fait de ses dialogues parfois grossiers et des accès de rage souvent incontrôlés de Renaud. Cependant qui pourrait résister au sourire carnassier de Robert Hossein ? Pas moi, c’est certain…
Un extrait:
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Je ne savais pas qu’il y avait eu un roman avant le film. J’adore la couverture du bouquin, trop kitch.