Soirée Popcorn #6 : Nosferatu de Robert Eggers
Après une longue pause (et un bébé de plus !), me revoilà motivée pour cette nouvelle année qui, j’espère, sera riche en nouvelles découvertes culturelles.

J’ai eu énormément de mal à remettre le pied à l’étrier ; ce n’est pas l’envie qui manquait mais la fatigue tenace due aux nuits blanches à répétition qui ne me permettaient pas de consacrer suffisamment d’énergie à la réflexion et à l’écriture. De plus, ayant eu aussi davantage de déconvenues que de belles surprises livresques comme cinématographiques, le blog a subi un sacré passage à vide durant cette dernière année. Mes goûts se sont-ils aiguisés au point de me rendre de plus en plus blasée? Sans doute, mais je dois avouer que les thématiques du cinéma tout comme de la littérature actuelle m’agacent aussi profondément ; la critique du patriarcat, le combat féministe, l’inclusion et l’immigration, les questions environnementalistes, bref, tous ces sujets récurrents qui frisent l’indigestion, déjà très présents dans l’actualité quotidienne, ont à mon grand désarroi fatalement envahi l’art et la culture (la sortie catastrophique de Toutes pour une, dernière daube française, un hommage pseudo-féministe et inclusif à Alexandre Dumas, illustre parfaitement cette nouvelle errance). Pour ma part, le résultat est sans appel, je m’ennuie ferme.
Aimant rêver et m’évader de la réalité, je considère que la lecture tout comme le cinéma devraient avant tout demeurer selon moi une possible évasion, l’occasion détournée de nous transporter temporairement loin de notre quotidien parfois morne. C’est pourquoi le nouveau remake de Nosferatu me tentait grandement car il semblait sortir des sentiers battus. Je raffole de récits sombres et envoûtants d’autant plus lorsqu’ils plantent leur décor au XIXème siècle. La bande-annonce intrigante de Nosferatu m’a de ce fait d’emblée séduite, tout comme le choix du casting quatre étoiles (Lily-Rose Depp à l’affiche, aux côtés des deux grands artistes masculins prometteurs : Nicolas Hoult et Bill Skarsgard que j’avais repéré dans ça pour sa prestation remarquable, et qui campe une fois encore une figure trouble, ici celle de Nosferatu).
L’équipe de communication du film a eu la brillante idée pendant sa promotion de ne pas trop en dévoiler quant à l’identité de Nosferatu ce qui a naturellement attisé ma curiosité.
Mais que vaut donc vraiment cette énième adaptation libre de Dracula? Je l’avoue sans détour, la sauce n’a malheureusement pas pris. J’espérais tellement un grand coup de cœur. Finalement, je suis restée de marbre face à ce long-métrage trop artificiel à mon goût qui n’égale en rien le Nosferatu original, un grand film muet avant-gardiste allemand de 1922, et fait de surcroît plutôt pâle figure en comparaison du chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola de 1992. Impossible de ne pas y penser d’un bout à l’autre du film. On y retrouve par ailleurs de nombreux éléments analogues, l’intrigue étant quasiment calquée sur celle du roman de Bram Stocker : le jeune fiancé transi un brin trop naïf, la demoiselle virginale (cette fameuse oie blanche, une “mine de rien” qui se révèlera pas aussi innocente que cela) et bien entendu le vampire ténébreux, personnage damné, énigmatique et épris de la jouvencelle.
Ce film semble davantage une ébauche qu’une oeuvre achevée. Que peut-il bien lui manquer? Un véritable souffle romanesque, selon moi. Nosferatu/Dracula est avant tout un anti-héros profondément torturé. Un personnage damné constamment déchiré entre ses pulsions bestiales et son amour démesuré et impossible pour Mina, cette pétillante brune aux yeux sages ici transposée sous les traits endormis d’Ellen (Lily-Rose Depp). Consumée par une passion dévorante et obsessionnelle qui transcende les âges, Dracula, cette figure vampirique déchue s’accroche à sa part d’humanité malgré tout. Or, dans cette adaptation libre, le comte Orlok alias Nosferatu reste avant tout une bête, une créature bestiale lubrique et sans scrupule. Sa dimension humaine admirablement bien restituée dans l’œuvre de Francis Ford Coppola a été complètement gommée. Comment ce filon n’a-t-il pas pu être davantage exploité ? Et en particulier avec un tel choix d’acteurs de qualité. Le charme magnétique du beau suédois Bill Skarsgard est totalement invisible dans cette version. L’acteur est tellement grimé qu’il en est méconnaissable. Dommage, il aurait pu camper un personnage sombre, subversif certes mais tout de même romantique.

Quant est-il de Lily-Rose Depp? Voilà un bel exemple de népotisme ! Aurait-elle eu le rôle titre si elle n’avait pas été la progéniture du fameux couple Depp/ Paradis? Son regard langoureux ne la sauve malheureusement pas. Elle est profondément mauvaise. Marion Cotillard peut dormir sur ses deux oreilles, sa piètre prestation dans Batman sera vite oubliée. Nul doute, Lily- Rose Depp est ravissante, et sa beauté atypique hypnotique (elle est parfaite pour une pub de parfum) mais son jeu d’actrice est trop mécanique, voire prétentieux. Elle est souvent excessive. Sa performance s’est par ailleurs révélée souvent risible et même grotesque. Impossible pour moi de réprouver un fou rire en la voyant se tortiller comme un poulpe sur la plage lorsqu’elle semble habitée par le fameux démon de minuit… Ses scènes de possession grandiloquentes digne d’un mauvais nanar d’épouvante ruinent un peu le film. La bave aux lèvres, les jupes souvent retroussées, l’héroïne se lance dans des positions improbables inspirées grossièrement de l’Exorciste qui certes, prouvent si besoin est, sa grande souplesse, mais n’apportent pas vraiment grand-chose à l’intrigue. Je n’ai pas non plus compris pourquoi Emma Corin avait été choisie pour interpréter son amie fadasse, un rôle secondaire qui ne lui sied en rien. Cette actrice britannique talentueuse aurait mérité un bien meilleur rôle, elle avait d’ailleurs brillé par son éclat dans l’adaptation sublime de Lady Chatterley’s lover (un petit bijou du petit écran produit par Netflix dont j’aimerais vous parler prochainement).

Mention honorable tout de même à Nicolas Hoult qui joue un fiancé désespéré plutôt convainquant, et qui essaie coûte que coûte de sauver les meubles. L’acteur que j’avais découvert dans Warm Bodies (une comédie romantique farfelue avec des zombies) a très bien vieilli. Son jeu s’est affûté. Il ne verse jamais dans la caricature et son désarroi face au tourment de sa belle arrive (presque) à nous toucher.
Pour conclure, si la pellicule est admirablement soignée (les décors, en particulier, sont impressionnants), le film m’a néanmoins semblé inabouti, et manque cruellement de profondeur. Cette adaptation en outre peu rythmée s’est révélée interminablement longue. Je suis donc passée à côté de ce prétendu “diamant brut noir”… Ce qui confirme une fois encore que si de nombreux films sont souvent encensés par les critiques, cela n’est pas forcément gage de qualité. Je doute que cette adaptation dont on peut se dispenser, résiste vraiment à l’épreuve du temps. Je n’ai rien ressenti en la visionnant. Cette fable gothique un peu sans âme et brouillonne de Dracula est un hommage raté, elle reste selon moi à l’image de sa belle actrice vedette, une jolie coquille vide sans grand intérêt. Pas grave, j’irai me consoler en visionnant une fois encore la version baroque de Coppola pour mater Gary Oldman, toujours aussi sexy, trente ans plus tard !



Je découvre ton blog en attendant de démarrer notre lecture commune, et effectivement nous semblons avoir de nombreux points en commun.
Félicitations pour la naissance de ton bébé (dans un premier temps) !!! Les nuits blanches, j’ai connu cela moi aussi. Avec ce sentiment de frustration de ne pas avoir le temps de lire autant que je le souhaiterais. (Même si l’aventure humaine avec Bébé est irremplaçable, on est d’accord). 😊
Je suis contente de lire ton article car Nosferatu me tentait bien. J’aime beaucoup quand il y a une ambiance gothique, des histoires de vampires ou de fantômes. J’ai bien de m’abstenir visiblement (et de toute façon, Lily Rose Depp m’agace, c’était déjà un argument pour passer cette sortie ciné). Je tenterai sans doute quand même à l’occasion, si je le trouve disponible via d’autres supports.
Je partage ton avis sur Lily-Depp elle a une tête à baffes. Je trouve qu’elle en fait des caisses! J’ai reçu mon exemplaire aujourd’hui même! On peut commencer la LC dès que tu veux. Tu me dis et je commence la lecture. J’ai hâte de le débuter. Je n’aime pas du tout ce que je lis en ce moment. ça va faire du bien de revenir vers le gothique.
Je t’ai répondu sur mon blog pour la lecture commune, mais nous pouvons la commencer dès demain ! J’ai hâte moi aussi. Ce roman m’intrigue beaucoup, et sur le papier il a tout pour me plaire.
J’avais l’intention de le voir dans mon cinéma mais je crois que je vais attendre sa sortie en streaming 😂 je suis tout de même curieuse de le visionner parce que le réalisateur a realisé Midsommar il me semble, film que j’avais adoré et qui m’a profondément marqué
Je n’ai jamais vu Midsommar. Je vais essayer de le trouver. Je ne connaissais pas du tout ce réalisateur.
Tout d abord felicitations pour ce petit bebe et bienvenue a lui. Merci pour ce tres bon article, pour ces remarques interessantes et pertinentes, ca fait plaisir de rencontrer un esprit critique et documente. (desolee pour les accents, j ai un clavier americain).
Je suis aussi excedee par les feministes et combattantes de l inclusion etc dans le monde de l art, du travail et dans la vie de tous les jours.
j ai un peu de mal avec la littérature contemporaine, je lis les classiques, Victor Hugo, Zola, les sœurs Bronte, Elizabeth Gaskell et j ai adore Dracula de Bram Stocker.
bonne continuation et a bientot
Je suis contente de vous lire. Je pense que nous avons beaucoup de choses en commun. J’adore les soeurs Brontë également et je raffole de classiques. Je n’ai pas encore lu Zola mais j’aimerais découvrir Au bonheur des dames. J’espère que nous aurons l’occasion de papoter ensemble. Un grand merci pour votre visite et à très bientôt.
Tu confirmes ce que je craignais quand j’ai vu Lily-Rose Depp à l’affiche…
J’avoue, j’ai l’impression que le film aurait été bien meilleur avec une autre actrice. On a l’impression que tout tourne autour d’elle alors qu’initialement c’est quand même Nosferatu la vedette de l’histoire. Elle en fait des caisses, c’est gênant.