L’Étincelle

Il y a quelques jours une collègue de travail m’avait prêté ce roman d’initiation. Elle avait en effet dévoré ce « petit » livre, un roman d’apprentissage d’une jeune femme qui découvrait pour la première fois les affres de la passion à dix-huit ans. Nous avions échangé brièvement sur cette œuvre. L’histoire semblait rappeler étrangement Bonjour Tristesse de Françoise Sagan, une œuvre sur les illusions de jeunesse dont je garde encore aujourd’hui un souvenir mémorable tant je l’avais apprécié à bien des égards (voir mon billet ici). La couverture de L’étincelle, un peu épurée tout comme le titre avaient de ce fait tout de suite retenu mon attention. Il ne m’en fallait guère plus pour m’y plonger à mon tour avec délectation. J’avoue n’en avoir fait de prime abord qu’une bouchée. En effet, à mon tour, j’ai également englouti ce petit roman en l’espace de quelques jours sans que je ne sache véritablement pourquoi il m’avait autant plu. Sans-doute l’écriture y était-elle pour quelque chose car Karine Reysset a bel et bien un talent indéniable de conteuse. Le style est par ailleurs fluide ce qui rend cette lecture agréable et légère.

L’auteure nous relate ainsi la découverte des sens de Coralie, une jeune étudiante issue d’un milieu plutôt modeste de « prolos », invitée durant la période estivale par une amie bobo, Soline, dans sa demeure familiale en Dordogne. Là, elle découvre un monde jusqu’alors inconnu, celui d’artistes et d’écrivains pour le moins snobs et fortunés. Dès son arrivée, Coralie se laisse grisée par l’atmosphère lascive qui se dégage de ce nouveau rythme de vie où les jours s’égrènent avec lenteur. Elle passe la majeure partie de son temps à lézarder à la piscine ou à nager dans le lac voisin près d’un camping de vacanciers. Les parents de Soline, plutôt démissionnaires et un brin égoïstes, ne s’intéressent guère à leur progéniture, trop préoccupés par leurs liaisons multiples, raison pour laquelle les deux jeunes filles se retrouvent très vite livrées à elles-mêmes sans chaperon. Coralie jette tout d’abord son dévolu sur Marco, un jeune vacancier au teint bronzé mais l’assassinat soudain d’une petite fille dans le camping voisin met rapidement un terme à cette idylle. Choquée par cette disparition subite d’une enfant innocente fauchée dans la fleur de l’âge, Coralie se réfugie dans les bras de son amie Soline, cette figure vaporeuse et inaccessible, à la beauté hypnotique. Avide des plaisirs sensuels, la jeune fille a soif de découverte, aussi son appétit sexuel ne connaît-il pas de limite, l’entraînant par ailleurs dans une liaison secrète avec l’ami d’enfance de Soline, Thomas, un jeune golden boy à l’avenir tout tracé. L’héroïne butine ainsi à tout va sans que le lecteur ne saisisse vraiment le caractère complexe de Coralie…

Je dois bien l’admettre, cet aspect de la personnalité de l’héroïne m’a laissée plutôt dubitative. Ses relations saphiques marqueront au fer rouge le passage de l’adolescence à la vie d’adulte de Coralie sans qu’elles ne deviennent pour autant un tournant véritable dans son parcours personnel futur. La narratrice finira à la grande surprise du lecteur par suivre la vie bien rangée d’une femme hétérosexuelle. L’auteure alterne ainsi les souvenirs de Coralie, jeune fille dans les années 90 et adulte, épouse sage et comblée d’une quarantaine d’années, mère d’un petit garçon. Quel intérêt me direz-vous ? Il semble qu’il n’y en ait aucun… Ces deux aspects de la personnalité de Coralie sont diamétralement opposés. C’est peut-être là que le bât blesse car l’intrigue demeure au final étonnamment creuse, n’offrant que très peu de rebondissements ni de liens logiques.

Même si la plume poétique de l’écrivaine m’avait d’emblée séduite, j’ai été finalement déçue par ce roman inabouti, un peu brouillon et à la finesse psychologique faiblarde. Je n’ai pas réussi à m’attacher à cette jeune fille spectatrice de sa vie. Manquant selon moi cruellement de charisme, et un tantinet opportuniste, elle multiplie les expériences sensuelles pour se désennuyer, tentant désespérément de se donner une dimension intellectuelle plus profonde qu’elle ne l’est véritablement… Les chapitres concernant la disparition puis le meurtre de la petite fille anonyme n’apportent au passage rien à l’intrigue qui s’essouffle rapidement, et se révèle être une péripétie maladroite pour appâter le lecteur. Un roman d’apprentissage donc en demi-teinte qui se dévore goulûment mais s’oublie malheureusement très vite une fois la dernière page tournée. Un pur produit de l’acculturation bobo, sans saveur ni relief.

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6 commentaires pour L’Étincelle

  1. ceciloule dit :

    Je passerai donc mon chemin sur ce livre que ta critique m’a fait découvrir…

  2. Lili dit :

    Outch ! J’aime tes billets francs et sans concession ! Ça change des billets trop politiquement corrects de beaucoup de blogs. J’espère que tu vas nous revenir plus souvent ces prochaines semaines 😉

    • missycornish dit :

      Lol je dois dire que j’ai lu sur la toile des billets super enthousiastes à son sujet et qu’encore maintenant, je me demande ce que les blogueurs ont retenu de ce livre… J’espère pouvoir écrire plus souvent. Je reviens rapidement… Merci de ton passage!

  3. M de brigadooncottage dit :

    C’est toujours agaçant d’avoir été floué par l’auteur. Il y a tant de belles oeuvres à découvrir. Dommage de perdre son temps comme ça. …

    • missycornish dit :

      C’est dommage en effet. C’est un peu le souci des romans contemporains. Je suis contente au moins de ne pas l’avoir acheté. Cela fait cher payé pour un roman finalement assez médiocre.

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