The reader/ Le liseur

P149: « You want to understand why people can do such terrible things … »

the-reader2Il m’a fallu du temps pour pouvoir vous parler de The reader. Non pas que la lecture fut laborieuse loin de là, seulement en le lisant j’ai été traversée par pas mal d’émotions contradictoires. Ma première impression fut la distance, accentuée par la barrière de la langue.  Ayant été écrit en allemand, j’aurais dû sans doute le lire en français et non en anglais. Cette expérience a eu au moins le mérite de renforcer mon opinion sur les romans modernes que je rechigne de plus en plus à ouvrir. Je relisais en parallèle Alabama Song, une belle exception, le vocabulaire étant très riche et je dois le reconnaître, j’ai été profondément déçue par le manque de cachet littéraire de The Reader.

Toutefois cette histoire singulière a suscité chez les lecteurs britanniques un certain engouement depuis sa publication en 1995 et a été le premier roman allemand à paraître dès sa sortie en librairie sur la liste des best-sellers de l’année du New-York times. Doit-on pour autant le considérer comme un grand roman? J’en doute, un bon script c’est certain. Mais est-ce réellement ce que l’on attend d’une œuvre littéraire? Les lecteurs souhaitent-ils vraiment lire un scénario?

Michaël Berg un magistrat dans la force de l’âge, relate sa rencontre avec Hanna Schmitz une mystérieuse conductrice de tram. Il se remémore la liaison qu’il entretenait à l’adolescence avec cette femme sensuelle plus âgée. Michaël avait pour habitude de lui faire la lecture. A quinze ans, il n’a jamais su pourquoi un jour son amante s’est volatilisée, sans même lui avoir laissé un mot d’adieu. Ce n’est que bien plus tard- alors qu’étudiant en droit il assiste en compagnie de son professeur et de ses condisciples, au procès d’anciens officiers nazis jugés pour crimes de guerre- qu’il découvre avec effroi la vérité. Sur le banc des accusés se trouve Hanna, les traits tirés et le regard éteint. Est-ce donc la raison de sa disparition brutale? Fuyait-elle son passé effroyable ou tentait-t-elle de dissimuler un secret bien plus honteux à ses yeux?

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Se dissimulant derrière une relation de mère-fils au vu de tous, Michaël et Hanna entretiennent une relation amoureuse particulière établie sur les livres. Peut-on s’attacher à ce personnage féminin? Difficile car notre raison tout comme notre conscience nous l’interdit, on est torturé entre la pitié et le dégoût. Dégoût parce que le drame pointe dès les premières pages et que l’on sait déjà à quoi s’attendre sur la véritable identité d’Hanna. Pas de mystères donc. Mais de la pitié en revanche pour cet homme au destin brisé, incapable d’oublier son premier amour malgré cette vérité hideuse qui pèse entre les deux protagonistes. Michaël tente tout pour saisir l’horreur et comprendre les choix de son ancienne amante. Cette quête d’identité le mènera sur les traces des disparus, victimes de la guerre.

L’auteur philosophe Bernhard Schlink aborde avec beaucoup de tact le conflit intergénérationnel allemand, la culpabilité pesante, le regret tout comme la honte d’une société qui s’efforce d’avancer pour ne pas regarder en arrière.

D’une plume économe l’écrivain a voulu tordre le cou aux clichés du cinéma et de la littérature qui font de la Shoah une source d’inspiration ou un prétexte d’écriture. Il nous offre une réflexion mature toute en nuance sur les connections entre le passé allemand et son présent, loin des stéréotypes littéraires, fruits de notre imagination collective qui souvent tendent à embellir l’horreur des camps de concentration. Il cite les exemples de Le choix de Sophie et de La liste de Schindler. Pour ne pas tomber dans la dénonciation, le romancier n’émet aucun jugement sur les massacres de l’Holocauste  mais se contente de soulever d’autres interrogations sur le regard d’autrui. S’il prend pour décor le contexte de l’après-guerre de 1945, à mon sens le thème du nazisme est plus une excuse pour évoquer l’illettrisme et ses dangers.

Bien que le livre m’ait un peu déçu par son écriture proche de la langue orale, le film en revanche m’a bouleversé. Il y a quelques scènes émouvantes et en particulier dans la dernière partie. Il est rare qu’une adaptation cinématographique surpasse l’œuvre littéraire. Je vous conseille de le voir si ce n’est pas déjà fait.  Une fois encore, la performance de Kate Winslet est remarquable. Elle m’a touchée et je dois admettre que j’ai terminé ce film magnifique les larmes aux yeux. Une histoire d’amour déchirante et perturbante à voir absolument.

Un extrait: [I asked her about her life, and it was as she rummaged around in a dusty chest to get me the answers. She had grown up in Rumania, then came to Berlin at the age of sixteen, taken a job at the Siemens factory, and ended up in the army at twenty-one. Since the end of war, she had done all manner of jobs to get by. She had been a tram conductor for several years; what she liked about the job was the uniform and the constant motion, the changing scenery and the wheels rolling under her feet. But that was all she liked about it…]

 

Cet article a été publié dans Littérature autrichienne et allemande, roman historique. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

12 commentaires pour The reader/ Le liseur

  1. Armelle B. dit :

    Je n’ai pas lu le livre et c’est peut-être mieux ainsi, mais j’ai beaucoup aimé le film avec une Kate Winslet magnifique et bouleversante. L’un de ses meilleurs rôles.

  2. Kimysmile dit :

    J’ai adoré le livre !

  3. maggie dit :

    J’avais aimé le film et le livre. La langue, effectivement, ne m’avait pas marqué mais d’intéressantes réflexions sont soulevés. En revanche, je garde un très mauvais souvenir d’alabama song mais que j’avais lu dans une traduction…

  4. cora85 dit :

    Coucou !
    J’ai été déçue par le film, même s’il n’est pas mauvais. Oui, Kate Winslet est vraiment douée !

    Ondine

  5. M de Brigadoon Cottage dit :

    je n’ai pas lu le livre , par contre j’ai vu le film qui m’a laissé un arrière goût amer…. Le destin de cette pauvre fille illettrée m’a fait beaucoup de peine et un peu honte ( pourquoi ?) …..

  6. Lili dit :

    Je suis comme toi : j’ai largement préféré le film au roman (c’est suffisamment rare pour être noté !)

  7. J’avais déjà trouvé le film assez inégal alors ton avis ne donne vraiment pas envie de lire le roman. Par contre la prestation de Kate Winslet est remarquable en effet.

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